Interview d'Amélie Patin, à propos de Comme une fleur

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Comme une fleur, parue aux éditions Delcourt, en lisant l'interview de sa dessinatrice, Amélie Patin.
Comment êtes-vous devenue dessinatrice ?
J'ai toujours dessiné, mais la volonté d'en faire un métier est venue plus tard. Mes parents m'ont inscrit vers mes 6 ou 7 ans à des cours extra scolaires de découverte artistiques, danse, musique… et dessin, et c'est ça qui a collé. Je n'ai jamais lâché le crayon derrière. Mais c'est en 2001, et après avoir lu les extraits du tome 4 de Sillage de Jean-David Morvan et Philippe Buchet dans le magazine Pavillon Rouge que je me suis dit que je voulais faire de la BD. Bien plus tard, après mon lycée, j'ai fait une prépa d'art à Paris puis je suis allée à la HEAR Strasbourg en illustration, d'où je suis sortie diplômée en 2015. Depuis, j'habite à Nantes et je travaille en tant qu'illustratrice et autrice.
Comment avez-vous rencontré Anne Baraou, la scénariste, et comment avez-vous travaillé avec elle ?
Anne m'a contactée par mail début 2020 avec le scénario de Comme une fleur, qui était différent à l'époque. De 2020 à début 2022, nous avons travaillé le dossier. Cela a pris du temps car je devais le faire entre mes différentes commandes d'illustrations. Et puis nous avons contacté Wandrille qui nous a permis de signer le contrat avec Delcourt en avril 2022 à peu près.Pendant la réalisation de l'album, Anne s'occupait du scénario et du découpage des dialogues, et moi de la mise en scène, du dessin et de la colorisation, avec les retours d'Anne et les retours de l'éditeur sur l'ensemble.
Comment avez-vous abordé les inserts botaniques, comme la page 87 par exemple ?
Je les appelle les « planches documentaires », et elles ne devaient pas être dans le livre au début du projet. En effet, nous les avons rajoutées sur les conseils de Wandrille, ce que nous avons trouvé être une très bonne idée, mais ce qui nous a obligé à rendre l'ensemble du récit bien plus documentaire et strict sur la représentation des fleurs que prévu (l'idée de base était davantage onirique, plus à l'image de mon travail personnel). Anne a commencé par écrire les textes explicatifs, puis les a mis en page. Je suis venue dessiner par-dessus. La recherche autour de toutes ces 120 fleurs a été longue et difficile, car je ne savais pas toutes les dessiner précisément, mais je suis très contente de ce que j'ai appris en le faisant.
Comment avez-vous travaillé le dessin et la couleur ?
Je fais le story-board au crayon gris. Puis je scanne ces planches esquissées pour les travailler sur Photoshop, y placer les textes et bulles, puis retoucher ce qu'il y a à retoucher. Une fois celles-ci validées, j'imprime l'esquisse sur laquelle je pose ma feuille à dessin, ce qui me permet de dessiner sans hésitation sur la table lumineuse. Je fais le dessin final aux crayons noirs, ce qui me permet d'avoir de la matière dessinée. Puis je scanne, et passe à la colorisation numérique, aussi sur Photoshop. Ensuite, une fois la planche finie, je la place sur Indesign, logiciel de mise en page.
Comme une fleur bénéficie de couleurs vives et l'album n'aurait pas été le même avec des couleurs ternes, comment vous êtes-vous assuré que le rendu préimpression serait identique à celui postimpression?
C'est toujours compliqué d'être sûre à 100 % d'un résultat imprimé. Mais j'ai trouvé que l'accompagnement chez Delcourt était top. J'ai pu lire une documentation très complète fournie dès le départ, et l'équipe d'assistance prépresse m'a très bien accompagnée pour l'installation des profils et autres péripéties techniques. Et pendant la réalisation de l'album, nous avons fait plusieurs tests d'impression, sur papier couché et non couché, pour vérifier que tout sortait bien. Le choix du papier de l'album, qui est un couché ou semi-couché, je ne sais pas vraiment, est très pertinent car il laisse sortir toutes les couleurs. En dehors de cela, quand je travaille sur mes fichiers, je fais en sorte de n'utiliser la couleur noire du CMJN que quand c'est nécessaire, par exemple pour les scènes de nuit et pour certains contours. Aussi, je suis très attentive aux pourcentages de couleurs que je mets dans ma colorimétrie, et en l'occurrence dans mes fleurs. Par exemple, pour les fleurs rouges, je ne mets que du jaune et du magenta, et vérifie qu'il n'y a pas de cyan et de noir. Ou pour les fleurs jaunes, je vérifie toujours qu'elles ne sont constituées que de jaune, sans aucun cyan, magenta ou noir, aussi parce que le jaune est une couleur qui se teinte très vite (dès qu'on met une goutte de cyan, le jaune se verdit). J'ai toujours ma fenêtre d'information ouverte sur Photoshop pour vérifier à tout moment les pourcentages de ma palette de couleurs. Cela permet aussi d'optimiser le résultat d'impression, et c'est quelque chose que j'applique dans tout le reste de mon travail systématiquement.
Combien de temps vous a demandé le dessin de l'album ?
De 2020 à 2022, j'ai fait une dizaine de planches pour le dossier, qui ont été utilisées dans le livre final, mais je les faisais au compte-goutte, quand j'en avais le temps. Et après, j'ai réalisé le reste de l'album entre avril 2022 et novembre 2024. Donc environ 3 ans, tout cumulés.
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Pour mes recherches sur toutes ces fleurs, j'ai acheté des livres documentaires, regardé beaucoup de vidéos YouTube de jardinage et fait pas mal de visite dans différentes pépinières en Bretagne et Loire-Atlantique. Mais j'ai aussi acheté certaines des fleurs que je devais dessiner pour les retranscrire le mieux possible. Malheureusement, c'était sans compter mon chat, qui a fini par développer un goût certain pour les fleurs et a décidé de manger toutes celles que je ramenais. Elle les avalait goulûment de manière systématique, au point où je devais faire très attention à la toxicité des fleurs que je ramenais à mon appartement. Rien ne l'arrêtait et peu de fleurs ont survécu à cette tornade, rendant mon avenir de jardinière peu probable, ahaha.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Depuis Novembre 2024, moment où j'ai rendu mes planches, j'ai repris le crayon de couleur pour faire des dessins personnels et ainsi reprendre le travail autour de mon propre univers, que je développe depuis très longtemps. Et après un petit moment de tests et de recherches, et forte de ce que j'ai appris pendant ces trois dernières années, j'ai décidé de me lancer dans l'écriture de mon projet de bande dessinée dont j'ai l'idée depuis longtemps. Je suis donc actuellement en train de préparer un dossier à envoyer aux éditeurs. À côté de cela, j'ai repris la production de Paper-Cut, qui est la maison de micro-édition que je tiens avec mon compagnon, et qui nous permet de sillonner les festivals et d'imprimer des projets qu'on aime en sérigraphie. On sort le prochain livre bientôt, pour le festival Fumetti en mai.
Le 6 avril 2025