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Interview d'Anne Defreville, à propos de Le Meilleur des deux mondes

Couverture de la BD Le Meilleur des deux mondes

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Le Meilleur des deux mondes, parue aux éditions Futuropolis, en lisant l'interview de sa dessinatrice, Anne Defreville.

Comment êtes-vous devenue dessinatrice du monde animal et de BD ?

Lorsque j'étais jeune, je voulais être zoologiste, je n'imaginais même pas qu'on puisse vivre de son dessin. Mais on m'a dit que je n'avais pas le niveau en sciences physiques pour suivre ce parcours. Quelques 30 années plus tard, je suis heureuse d'être arrivée à être une dessinatrice naturaliste et de vulgarisation scientifique à force de persévérance et en ayant suivi un parcours plutôt sinueux. J'ai fait l'école des beaux-arts de Marseille. Puis j'ai mené en parallèle une carrière de directrice artistique dans l'édition et une autre de dessinatrice (presse, jeunesse, sciences…). Je me consacre uniquement à cette dernière depuis une dizaine d'années. En 2019, avec L'Âge bleu, sauver l'océan (éd. Buchet-Chastel), j'ai eu l'occasion d'être publiée en BD en parlant d'un sujet qui m'importe vraiment ; la cause environnementale.

Vous avez dessiné de nombreuses bandes dessinées dont Mémoires d'un cétacé, paru en 2023 chez Delcourt, et de nombreux livres illustrés dont Le lion de Joseph Kessel, paru en 2024 chez Futuropolis. L'approche entre l'illustration et le dessin a-t-elle les mêmes racines ?

C'est bien la première fois qu'on me pose cette question, mais je la trouve très intéressante. Je me suis toujours revendiquée « dessinatrice » et non « illustratrice ». Déjà, parce que la double consonance en « tr » de « illustratrice » n'est pas très heureuse. Mais aussi parce que, pour moi, l'illustration décore un texte, alors que le dessin est une autre écriture du texte. Je n'ai pas cherché à illustrer Le Lion de Kessel, mais plutôt à le dessiner.

Comment avez-vous rencontré Alice Desbiolles, la scénariste, et comment avez-vous travaillé avec elle ?

L'été 2023, J'ai été contactée par La Cité des sciences et de l'industrie qui avait apprécié ma BD Sefardim, l'épopée d'une famille juive durant 3000 ans (Futuropolis 2023) qui venait de sortir. Ils m'ont proposé de faire cette BD avec Alice, qu'ils avaient découverte par ses ouvrages sur le thème de l'éco-anxiété. Nous avons eu la chance de nous entendre tout de suite et de partager la même envie de donner un discours optimiste sur l'avenir. Et enfin, les éditions Futuropolis ont concrétisé cette belle collaboration.

En fin d'album Alice Desbiolles écrit à votre sujet : « Chère Anne, je ne pouvais rêver plus beau pinceau pour se mêler à ma plume. Merci pour ton écoute, ta sensibilité et ton imagination. Quelle joie, à chaque chapitre, de découvrir mes mots entrelacés avec autant d'harmonie à tes illustrations. » Quelle fut la latitude scénaristique que vous a donné Alice Desbiolles ?

J'ai été très touchée par les mots d'Alice. Elle n'avait jamais fait de BD et ne connaissait pas les codes. Au départ, nous avons vraiment construit l'histoire ensemble, ainsi que la trame. Mais rapidement, elle s'est prêtée au jeu du travail scénaristique. Elle m'envoyait ses dialogues et ses envies visuelles et je lui répondais par storyboard. Je lui imposais surtout un nombre de mots pour que ça rentre dans un nombre de pages défini au départ.

Comment avez-vous travaillé le dessin et la couleur ?

J'ai travaillé sur papier, à l'aquarelle, au café et aux pigments. Lorsqu'on me laisse cette liberté et quand en plus la thématique s'y prête, je préfère toujours travailler en couleur direct avec des techniques naturelles. Seuls les phylactères sont ajoutés sur Photoshop et Astropad.

On remarque l'absence de trait de contour dans votre technique et des sortes de tâches de peinture dans la colorisation, pourquoi ces choix ?

J'aime beaucoup les accidents et les imprévus de la couleur direct. Ça donne plusieurs niveaux de lecture, dont la dimension poétique.

Le Meilleur des deux mondes offre aux lecteurs de nombreuses ruptures graphiques, tant avec les pages de chapitre, qu'à l'intérieur des chapitres. Était-ce une contrainte scénaristique ou une envie personnelle ?

Je pense qu'on peut retrouver ses ruptures graphiques, comme vous dites, sur l'ensemble de mes ouvrages. Ce n'est ni une contrainte ni une envie, mais plutôt mon mode de fonctionnement pour animer le chemin de fer.

Le personnage principal du Meilleur des deux mondes est Alice Desbiolles. Pourquoi l'avoir fait blonde alors qu'Alice Desbiolles est brune ? ^^

Et bien, parce que l'Alice du livre est un mélange de nous deux. ^^

Combien de temps vous a demandé le dessin de l'album ?

9 mois tout rond ! Je vous laisse interpréter ce constat. ;)

Avez-vous une anecdote relative à cet album ?

Et bien, je dois avouer que j'ai eu un peu peur que la scène du dodo qui se roule de plaisir dans le champ de coquelicots ne passe pas à la censure, pour incitation à la consommation de stupéfiants, mais ça n'a pas été le cas.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je termine les dessins qui vont accompagner le texte de Nikos Konkántzis Gioconda, qui paraîtra dans une version illustrée aux éditions de l'Aube à l'automne 2025. Et sinon, je suis en formation pour devenir formatrice en biologie marine (FB1) auprès de la Fédération française d'études et de sports sous-marins (FFESSM).

Le 18 mars 2025