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Interview d'Arnaud Rafaelian, à propos du Le Sourire du chimpanzé : voyage au cœur de la conscience animale

Couverture de la BD Le Sourire du chimpanzé : voyage au cœur de la conscience animale

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Le Sourire du chimpanzé : voyage au cœur de la conscience animale, parue aux éditions Delachaux et Niestlé, en lisant l'interview de son illustrateur, Arnaud Rafaelian.

Comment êtes-vous devenu illustrateur ?

Je suis plutôt un graphiste de formation.  Après avoir obtenu le BTS Expression visuelle et images de communication (EVIC à l'époque !) à Olivier de Serres, j'ai passé le DSAA en Création typographique à Estienne. Néanmoins, pendant ces années de formation, j'ai beaucoup rempli de carnets à dessin lorsque j'allais dans les musées, en voyages, etc. J'avais donc déjà une pratique régulière du dessin. Une fois diplômé, j'ai intégré un studio de création à Paris où j'ai principalement travaillé sur du packaging, des logotypes, des dossiers de presse et beaucoup dans l'univers du luxe. Donc très loin de l'illustration ! Cela faisait pas loin de dix ans que j'officiais dans cette agence lorsqu'on m'a diagnostiqué un cancer. Et pendant mon arrêt maladie, j'ai beaucoup songé à ce que je voulais vraiment faire lorsque je serai rétabli. Il existait déjà une certaine lassitude et ce besoin qui me trottait à l'esprit depuis quelque temps de « dessiner » davantage. Tout cela m'a convaincu de quitter ce travail de salarié et de tenter l'aventure en tant qu'illustrateur indépendant. Alors… ça n'a pas fonctionné immédiatement. Mes premiers amours m'ont rattrapé par le col ! J'ai rencontré, à la même époque, Cécile Breton, qui m'a proposé de travailler sur la maquette d'une nouvelle revue qu'elle souhaitait éditer. Et c'est ainsi que je me suis retrouvé à d'abord créer l'identité graphique de cette revue de vulgarisation scientifique sur les sciences naturelles, intitulée Espèces, puis ensuite, à réaliser la maquette les dix années qui ont suivi. Et j'en arrive enfin à la réponse tant attendue : elle m'avait également proposé d'illustrer certains des articles des chercheurs, certaines actus et de réaliser pour chaque numéro une BD d'une page, en général en 6 cases. C'est ainsi qu'est né le personnage récurrent de Raymond le bousier. Ce malheureux coléoptère a fait son temps tout comme ma contribution en tant que maquettiste, mais j'illustre, encore aujourd'hui, un ou deux articles chaque trimestre.

Comment avez-vous rencontré Benoit Grison, l'auteur du Sourire du chimpanzé, et y a-t-il eu un travail ensemble ou avez-vous reçu le livre terminé avec « juste » les illustrations à réaliser ?

J'ai rencontré Benoit grâce à la revue Espèces, tout comme les autres auteurs avec qui j'ai travaillé jusqu'à présent. Ils y sont tous contributeurs, et étaient donc aux premières loges pour voir mon travail et me solliciter pour illustrer leurs ouvrages ! Le Sourire du chimpanzé est le deuxième livre que nous faisons ensemble avec Benoit. Pour celui-ci, cela s'est déroulé de façon un peu différente, d'habitude, je reçois le texte quasi définitif. Cette fois-ci, je faisais les recherches d'idées d'illustrations, chapitre par chapitre, au fur et à mesure que Benoit les écrivait et me les transmettait. Donc le livre s'est construit en parallèle.

Quelles consignes aviez-vous pour illustrer ce voyage au cœur de la conscience animale ?

Je n'ai jamais de consignes ! Ah ah ah... Liberté totale ! Je soumets les esquisses. ça passe ou pas. Comme j'ai une propension à faire des dialogues un peu vulgaires, ils sont souvent un peu adoucis... et le tour est joué ! Je pense, encore une fois, que les auteurs connaissent parfaitement mon type d'humour et comme ils y adhèrent, ils me font complètement confiance. Néanmoins, en de rares occasions, il arrive qu'ils souhaitent une illustration spécifique, soit pour décrire une notion qui leur semble importante, soit pour décrire un phénomène physique, ou un détail anatomique. Mais ils attendent de mes dessins qu'ils offrent des respirations humoristiques au milieu de leur texte qui est le plus souvent sérieux et comportent parfois des notions complexes. C'est devenu assez classique aujourd'hui, les auteurs de vulgarisation scientifique cherchent cette plus-value illustrative qui permet de faire ce pas de côté, et montrer que la science est loin d'être rébarbative... Et surtout, ce sont les premiers à rire de mes « conneries dessinées » !

Comment est née l'idée de faire des illustrations avec des bulles comme une BD ? Et pourquoi ce choix ?

Alors là... J'avoue n'avoir pas du tout réfléchi à cela... C'est venu naturellement. Peut-être que c'est le résultat de mon travail sur les petites histoires de Raymond le Bousier, qui se déclinaient en 4 à 6 petites vignettes, sans cases, mais avec des bulles ? Possible.

Comment avez-vous travaillé le dessin et à quelle échelle ?

Je travaille au critérium sur des feuilles de papier machine basique au format A4. J'essaie de faire les dessins relativement à la taille définitive d'utilisation, mais la plupart du temps, les maquettistes les réduisent parce que je suis toujours légèrement plus grand. Quant à la couverture, je travaille sur un papier aquarelle 200g avec des encres à eau de la marque Écoline.

Combien de temps vous ont demandé les illustrations pour ce livre ?

En fait, c'est très variable. Parfois, je peux faire une ou deux illustrations par jour, parfois certaines résistent et je n'obtiens pas le résultat souhaité. Je peux m'y reprendre deux ou trois jours d'affilée. Heureusement ça arrive rarement. Et puis, il y a les cas ou lorsque je démarre un dessin je me dis que je vais galérer, et ça se passe nickel du premier coup... Et parfois je pense que ça va rouler sans problème et je trime grave, je gomme 300 fois ! Mais on va dire qu'en moyenne pour la réalisation au propre d'une idée pour un dessin en noir et blanc, je compte une journée de travail.

Avez-vous une anecdote relative à ce livre ?

Une anecdote pour ce livre mais qui s'applique à presque tous ceux sur lesquels j'ai gribouillé jusqu'à présent : je m'emploie à chaque fois à trouver une idée de dessin où je pourrai représenter ma chienne, Chipeck ! C'est mon challenge ! Disons que la nouveauté dans celui-ci, c'est que sur le même dessin j'ai représenté ma chienne, celle de ma compagne et le chien de l'auteur ! C'est ma dédicace cachée d'illustrateur !

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Actuellement, je suis en train de travailler sur l'ouvrage d'une biologiste, Emmanuelle Pouydebat, toujours pour Delachaux et Niestlé. La première, soit dit en passant, qui ne soit pas passée par la case Espèces, mais connaissait mon travail d'illustrateur de livres. Le thème pour lequel on me demande de faire « drôle » : les animaux et la mort !! Et c'est un sacré pari  !

Le 5 avril 2025