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Interview de Benjamin Bénéteau, à propos de Michel Vaillant, saison 2

Couverture de la BD Michel Vaillant : La Cible

Découvrez les coulisses de la saison 2 de la bande dessinée Michel Vaillant, parue aux éditions Graton, en lisant l'interview du dessinateur, Benjamin Bénéteau.

Comment êtes-vous devenu le dessinateur de Michel Vaillant ?

C'est une suite d'heureux hasards : on était fin 2010, je travaillais à l'époque sur la série Alter Ego, chez Dupuis, sur laquelle je dessinais les décors des albums dont Mathieu Reynès faisait le storyboard et les personnages. Au même moment, Graton Éditeur et Dupuis venaient de s'associer pour co-éditer le catalogue des univers de Jean Graton, ainsi que les prochains albums, dont des Dossiers Michel Vaillant. Mon collègue Luca Erbetta, lui aussi dessinateur de décors sur la série Alter Ego, avait été approché par Graton Éditeur pour co-dessiner le dossier Michel Vaillant consacré à Alain Prost, et ça avait été un gros boulot, donc quand on lui a proposé de continuer sur le dossier consacré à Michael Schumacher, il m'a proposé de l'accompagner pour dessiner les décors et les bruitages : Luca dessinait le storyboard et les personnages, Nedzad Kamenica (dessinateur de l'ancien Studio Graton) faisait les voitures, et moi les décors et bruitages. C'est comme ça que j'ai mis le pied dans l'univers de Michel Vaillant, et c'est par hasard que j'en suis venu au dessin des voitures : Nedzad commençait un nouvel emploi et n'avait plus le temps de dessiner les voitures d'une des trois histoires courtes, Philippe Graton m'a donc appelé pour me demander si, à tout hasard, je voulais bien essayer de dessiner ces voitures. Ce qu'il ne savait pas, c'est que la première chose que j'ai apprise à dessiner quand j'étais gamin, c'est des voitures : depuis tout petit j'adorais ça. J'ai donc accepté sans hésiter, n'en revenant pas de la chance qui m'était donnée. Nedzad m'a appris les techniques employées par les dessinateurs du Studio Graton, ce à quoi il fallait faire attention etc., et c'est comme ça que j'ai dessiné mes premières voitures pour l'univers de Michel Vaillant. Simultanément, Philippe Graton souhaitait relancer la série Michel Vaillant avec ce qui s'est ensuite appelé la saison 2. Pour cela il avait choisi Denis Lapière pour le scénario, avec qui je travaillais déjà sur Alter Ego, et Marc Bourgne comme dessinateur. Mais Marc avait émis une condition : il ne souhaitait pas dessiner les voitures, comme il savait que ce serait trop de travail pour une seule personne de tout dessiner à la fois. Philippe m'a donc assez logiquement appelé pour me proposer de dessiner aux côtés de Marc : il ferait les storyboards et personnages, et moi les voitures et décors. Nous avons fait ensemble 6 albums, puis Philippe m'a confié entièrement le dessin du tome 7 Macao, qui est devenu le seul album de la nouvelle saison à avoir été dessiné par une seule personne puisque, devant la quantité insurmontable de travail que ça me demandait, dès le tome 8 13 jours nous avons décidé qu'il fallait un deuxième dessinateur pour m'accompagner. Ce fut Vincent Dutreuil, qui s'est occupé des storyboards et décors sur les tomes 8, 9 et 10, tandis que je faisais les personnages et voitures.

Quels sont les codes qui permet au lecteur de se dire qu'on est devant un Graton (Michel Vaillant et Julie Wood ayant le même trait au niveau des personnages et des véhicules) ?

Si Michel Vaillant et Julie Wood avaient à l'époque de la première saison le même style de trait pour les personnages et les véhicules, c'est que c'était le même studio qui dessinait les deux séries : chaque dessinateur qui participait au studio devait apprendre à dessiner à la manière de Jean Graton, ce qui donnait une cohérence globale et un style spécifique à cet univers. Mais il faut savoir que pour la nouvelle saison de Michel Vaillant, Philippe Graton ne nous a pas demandé de « faire du Jean Graton », ni Marc Bourgne ni moi ne devions spécialement changer notre manière de dessiner, Marc a gardé son style habituel pour les personnages, ce qui lui a d'ailleurs valu pas mal de remarques de la part de fans qui étaient déboussolés de ne plus reconnaître le « style Jean Graton ». Pour ma part, je n'ai pas eu non plus à me caler spécialement sur un style particulier, cependant j'ai repris les éléments typiques de ce qu'on pourrait appeler la "grammaire de la course" faite par Jean Graton parce qu'elle était à mes yeux parfaite et irremplaçable : les bruitages spécifiques, les traits de vitesse, la manière de synthétiser certains volumes de carrosserie, et une grande attention sur le dessin des roues. Et si l'on devait caricaturer l'esprit graphique de Michel Vaillant, je crois que ça tient en une chose : les bruitages. Comme disait le commissaire priseur Hervé Poulain, « Jean Graton a inventé la bande-son dans un art muet ». Ces grands "VROOAAR" aux variations infinies sont tellement typiques qu'ils sont devenus une sorte de marque de fabrique intemporelle.

Comment choisissez-vous les modèles de voiture que vous allez mettre dans tel ou tel album de Michel Vaillant, est-ce un choix du scénariste, ou votre choix, et si c'est le votre, pourquoi ce choix?

Comme pour tout ce qui est dessiné ou presque, c’est le scénario qui indique quels sont les modèles de voitures que nous devons mettre en scène. Pour les Vaillante de course, qui sont pour la plupart des véhicules fictifs, ce sont les règlements des courses en question qui guident leur conception : nous avions besoin pour le tome 1 d’une voiture de série compétitive face aux berlines Chevrolet, j’ai donc conçu une berline, inspirée d’une ancienne Vaillante (la Vaillante Gil). Pour le tome 3 il fallait une Vaillante de rallye : j’ai conçu un petit coupé qui pouvait se positionner aux côtés d’une 207 ou d’une Polo. Pour le design des Vaillante, tant que Philippe Graton participait aux albums (jusqu’au tome 8) je lui soumettais mes propositions, et ensuite (tomes 9, 10 et 12) je me suis fié à mon expérience. Parfois, les partenariats que nous avons sur certains albums guident directement le design des Vaillante : sachant qu’une Vaillante Rébellion LMP2 allait réellement rouler aux 24h du Mans 2017, nous avons logiquement décidé de dessiner dans l’album qui sortait au même moment la Vaillante Rébellion de la réalité, plutôt que de dessiner une voiture fictive. Chaque Vaillante a son histoire, mais ce serait logiquement assez long à détailler, et d’ailleurs un livre va sortir en fin d’année à ce sujet aux éditions de La Martinière, consacré aux Vaillante, et écrit par un journaliste sportif de renom passionné de Michel Vaillant : Stéphane Barbé. Pour le reste des véhicules, c’est simplement la crédibilité documentaire qui me fait choisir tel ou tel modèle : j’essaye toujours en particulier de dessiner des voitures actuelles, avec quelques-unes qui viennent de sortir ou sortiront la même année, pour garder un ancrage contemporain au moment de la sortie de l’album. Que les lecteurs et lectrices reconnaissent en lisant l’album le même univers que celui de leur vie de tous les jours. 

Comment travaillez-vous ?

Je travaille en numérique depuis le tome 1, plus précisément sur iPad Pro depuis le tome 7, avec quelques exceptions pour certaines des dernières couvertures en particulier que j’ai faites sur papier, et Marc travaille pour sa part intégralement en traditionnel, sur papier.

Sur quel livre travaillez-vous actuellement ?

Je travaille actuellement sur de nouveaux projets dont je ne peux pas encore parler comme rien n'est signé, mais si tout va bien je pourrai en dire davantage en fin d'année.

Le 2 juillet 2023