Interview de Christophe Cazenove, à propos de Gunthrie : Little Anny

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Gunthrie : Little Anny, parue aux éditions Soleil, en lisant l'interview de son scénariste, Christophe Cazenove.

Comment êtes-vous devenu scénariste ?

J’ai toujours lu et aimé la BD et, tout naturellement, l’envie d’en faire m’a attrapée quand j’étais tout gamin. J’ai dessiné des dizaines et des dizaines de pages en amateur jusqu’à ce qu’un principe de réalité s’impose et me fasse comprendre que j’aurais sûrement plus de chance d’être publié en tant que scénariste que dessinateur. Je me suis alors consacré à l’écriture et y ai trouvé un plaisir plus grand encore que celui que j’avais avec un crayon entre les doigts.

Quel a été le point de départ de Gunthrie et pourquoi ce prénom ?

Serge Carrère m’a tout simplement évoqué son envie de dessiner un western, mais le vrai point de départ a été le roman qu’il m’a conseillé de lire pour comprendre l’ambiance qu’il souhaitait, Crépuscule sanglant de James Carlos Blake. Cette histoire suit le parcours de deux frères à la recherche de leur sœur, dans un far West brutal, bête, sans la moindre étincelle d’espoir ni d’humanité. Cela m’a donné l’envie de traiter de la famille, ou plutôt de l’absence de famille, une cohabitation de gens du même sang qui ne s’aiment pas et ne se parlent pas. Pour ce qui est de Gunthrie, je n’ai aucune idée de l’origine du prénom. Je trouvais amusant que des parents aussi stupides donnent à leur fils un nom aussi ardu à prononcer qu’à écrire, comme s’ils voulaient compliquer encore plus la vie sans avenir qu’ils lui offraient.

Comment avez-vous travaillé le scénario de cette série ? 

Plutôt que de procéder de manière classique, c’est-à-dire recherche d’idées, développement, plan, chapitrage, j’ai écrit une nouvelle dont j’envoyais régulièrement quelques pages à Serge. Comme il m’encourageait à poursuivre, me disant qu’il aimait le ton et l’ambiance, j’ai continué sans trop savoir où j’allais. Je me suis vraiment laissé mener par les personnages, posant un point final lorsque j’ai eu le sentiment d’être arrivé au bout de l’histoire. Ensuite, j’ai dû adapter ma nouvelle en scénario de BD, ce qui est un exercice pas si simple que ça. Bien évidemment, pas mal d’éléments ont bougé, mais la structure était posée.

Little Anny, le premier tome, se lit comme un one shot. Combien de tomes sont prévus et à quel stade est la série ?

Gunthrie peut être un one shot, mais je sais que j’ai un défaut en tant que scénariste. Comme je suis habitué à travailler sur des séries de gags, je n’arrive pas à écrire des histoires complètes sans laisser de fin ouverte. Pour Serge et moi, Gunthrie tome 1 appelle forcément un Gunthrie tome 2, mais cela dépendra amplement de l’accueil réservé à cet album. A ce stade, aucun cycle n’est prévu. S’il y a lieu, les histoires suivantes s’écriront au fur et à mesure, comme Gunthrie lui-même découvre la vie au fur et à mesure de ses pérégrinations.

Comment avez-vous rencontré Serge Carrère, le dessinateur, qui est un véritable touche-à-tout au niveau des styles de BD – comme La Bête de Ronceval – mais dont c'est la première BD western ?

Serge a en effet une capacité à toucher à tous les styles, autant comme dessinateur que comme scénariste. Je l’ai surtout fréquenté par le biais d’une association dont nous sommes l’un et l’autre de fidèles partenaires – L’Hippocampe, qui organise notamment un concours de BD pour les personnes en situation de handicap depuis plus de 25 ans, lors du festival d’Angoulême – puis nous avons réalisé un premier album ensemble chez Bamboo édition, Les Fondus du vin de Bourgogne, avec Hervé Richez au co-scénario. Il me semble que Gunthrie est son premier western, en effet (le mien aussi).

Comment avez-vous travaillé ensemble ? Avez-vous donné un scénario vague puis échangé, ou y a-t-il eu peu de navettes du fait d'un scénario très cadré ?

Je propose toujours un découpage avec une suggestion de mise en scène et des dialogues travaillés, mais rien n’est figé. Je ne fais pas partie des auteurs rigides dont on ne doit pas bouger une virgule du texte. Le principal est qu’une page fonctionne et je ne veux surtout pas priver le scénario d’une bonne idée du dessinateur. Pour répondre plus précisément à la question, j’envoyais le découpage par paquet de cinq à six pages à Serge, qui m’envoyait ensuite son story board. Tout s’est déroulé sans heurt, de façon très amicale et respectueuse. Faire cet album avec lui a été un réel plaisir.

Combien de temps vous a demandé l'écriture du scénario et combien de temps a demandé l'album au total ?

L’aventure Gunthrie a démarré fin 2019, si j’ai bonne mémoire. J’ai retrouvé les premières esquisses de Serge datant d’avril 2020, j’avais donc écrit la nouvelle avant cette date. Ensuite, divers albums nous ont occupés l’un et l’autre jusqu’à ce que tout s’accélère sur les deux dernières années. J’aurais du mal à déterminer le temps précis que cela nous a pris, mais ce délai a permis à l’histoire de mûrir et d’évoluer.

Avez-vous une anecdote relative à cet album ?

Au départ, je faisais partir notre héros de la ferme familiale au Texas pour rejoindre le Montana. Pour cela il allait emprunter la première ligne de chemin de fer installée aux USA, le Transcontinental, terminé en 1869. Or, je m’étais gourré dans ma lecture de la documentation, car à l’époque où se déroule notre aventure, en 1876, la ligne allait du Nevada au Wyoming. Ces modifications ne changent rien à l’histoire, mais ça montre les contraintes que l’on s’impose lorsque l’on décide d’utiliser de vrais éléments historiques, dont le Far West déborde.

Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?

J’ai cette chance de travailler sur plusieurs albums chaque année, ainsi j’écris quasiment chaque jour de l’année des pages de BD ou de roman jeunesse. Dans quelques semaines, je vais attaquer le tome 20 des Sisters avec William, je devrais entre-temps terminer le tome 16 des Petits Mythos avec Larbier, puis chercher les premières idées de notre dixième Boule et Bill à Jean Bastide et moi. Bref, je ne devrais pas m’ennuyer…

Le 13 septembre 2024