Interview de Cléo Germain, à propos de Anne Frank en BD

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Anne Frank en BD, parue aux éditions Bayard, en lisant l'interview de son dessinateur, Cléo Germain.

Comment êtes-vous devenue dessinatrice ?

Comme tous les dessinateurs, je pense, je n'ai jamais cessé de dessiner depuis mon enfance ! J'avais de bons retours sur mes dessins, alors, après le bac, je me suis donc tournée vers les Beaux-arts, mais sans avoir de plan de carrière très défini. Je suis sortie diplômée de l'École européenne supérieure de l'image d'Angoulême. J'y ai rencontré mes futurs confrères et consœurs et cela m'a motivée pour me lancer professionnellement. J'ai d'abord publié mes premiers dessins dans des fanzines étudiants, puis par la suite dans la revue collective angoumoisine Choco Creed. Mon premier vrai contrat a été avec Actes Sud, pour un livre documentaire sur les sociétés animales dans la collection À petits pas. Depuis, je n'ai jamais arrêté de travailler.

Comment avez-vous rencontré Sophie Pelloux-Prayer, la scénariste, et comment avez-vous travaillé ensemble ?

Je n'ai jamais rencontré Sophie Pelloux-Prayer en personne, à vrai dire ! C'est mon éditrice et le graphiste de Bayard qui ont fait le lien entre la scénariste et moi. Nous avons discuté ensemble de quelques détails techniques (l'emplacement des chambres de chacun des occupants de l'annexe), j'ai eu ses retours sur mes crayonnés et la couverture, mais toujours via l'équipe éditoriale. À la fin de la bande dessinée, nous sommes quand même rentrées en contact pour nous féliciter l'une et l'autre de notre travail. J'étais très contente que ce soit Sophie qui scénarise la bd, car j'avais déjà illustré une de ses histoires pour le recueil Les Grands témoins chez Bayard, mettant en lumière l'histoire de Sophie Scholl, résistante allemande, membre du collectif La Rose blanche, qui a été assassinée par les nazis à l'âge de 21 ans. Le scénario de Sophie était super, avec un bon sens de la mise en scène. Je trouve que c'est une façon très pertinente de sensibiliser les enfants à l'histoire.

Anne Frank en BD propose un ouvrage au dessin frais et aux couleurs gaies. Comment avez-vous réussi à apporter de la douceur et de la joie dans un récit qui pourtant nous renvoie immanquablement à la mort et aux camps ?

J'avais déjà utilisé cette gamme de couleurs pour la bande dessinée sur Sophie Scholl. L'équipe de Bayard avait trouvé les couleurs très chouettes, car elles apportaient une touche vintage au récit, collant avec cette période de l'histoire. Naturellement, j'ai proposé la même gamme pour Anne Frank. Car, bien que l'issue de l'histoire soit dramatique, le récit se concentre sur sa vie à l'annexe et on y voit son quotidien. Malgré l'enfermement, la peur et les doutes, il y avait beaucoup de moments joyeux et légers à l'annexe. C'est ce qui est fascinant dans les récits intimes qui sont des témoignages de périodes historiques très sombres : il y a toujours de la lumière.

La quatrième de couverture précise qu'Anne Frank en BD est « une bande dessinée conçue avec le magasine Astrapi Soleil ». En quoi ce magazine a-t-il contribué à cette bande dessinée ? A-t-elle été prépubliée dans le magasine Astrapi ?

La BD a été publiée en 2 versions : une version cartonnée pour les librairies (édition Bayard) et une version souple en cadeau aux abonnés du magazine Astrapi Soleil. Je pense que la co-production permet de réduire les coûts et de toucher un public plus large… Après, c'est la tambouille interne de Bayard, je ne peux pas parler en leur nom…

Comment avez-vous travaillé le dessin et la colorisation ?

J'ai réalisé toute la BD sur ordinateur. Cela permet de gagner du temps et d'économiser pas mal de papier. Mais avant le dessin, j'ai passé plus d'un mois à collecter le maximum d'informations sur Anne Frank et l'annexe. Je n'ai pas voulu regarder les BD déjà faites sur le sujet, je ne voulais pas être influencée par d'autres styles de dessins et de mise en scène. J'ai lu et regardé tous les documentaires qui existent à son sujet. J'ai même commencé par dessiner le plan de l'annexe qui se trouve en fin d'album, pour mieux comprendre la circulation dans la cachette. Comme je trouvais que le plan apportait pas mal d'informations, j'ai demandé aux éditeurs et à la scénariste s'ils étaient d'accord pour qu'on le rajoute dans la BD, car ce n'était pas prévu. Tout le monde a été d'accord. Et je suis d'autant plus contente qu'aujourd'hui je vois que les lecteurs en parlent et apprécient aussi d'avoir le plan.

Combien de temps vous a demandé le dessin de l'album ?

Recherches comprises, j'ai travaillé environ six mois sur ce projet. Mais j'avais d'autres commandes en parallèle, donc je ne peux pas vraiment quantifier. En tout cas, c'était une période chargée, avec beaucoup de séances de travail nocturne à la fin.

Avez-vous une anecdote relative à cet album ?

La BD m'a permis d'aborder la seconde guerre mondiale avec mon fils de 6 ans, qui a encore un rapport à l'histoire un peu confus. L'album est super pour ça : il évoque les horreurs plutôt que de les montrer, et il permet de parler de la guerre aux plus jeunes. Jusqu'alors mon fils était fasciné par la guerre, les tanks et les fusils. Lui parler de la guerre du côté des civils et des victimes a permis de nuancer son rapport à la guerre. Maintenant, il fait plus attention. J'ai accompagné son apprentissage en regardant la formidable série sur France TV, Les Grandes Vacances. Il a bien compris !

Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?

J'ai plusieurs projets de fresques peintes sur le feu, car, depuis quelques années, je déborde de mes carnets pour aller peindre sur les murs. Cela fait du bien au corps (être debout !) et me repose les yeux, et accessoirement ça apporte de la gaieté aux murs gris des villes ! Côté édition, je travaille actuellement sur un super projet de livre-enquête illustré sur le thème des inégalités pour les éditions Athizes, qui sortira normalement en septembre-octobre 2025. D'ailleurs, j'y retourne !

Le 22 mars 2025