Interview de Cosimo Ferri, à propos de Māra

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Māra, à l'occasion de la parution de son intégrale aux éditions Tabou, en lisant l'interview de son auteur, Cosimo Ferri.

Comment êtes-vous devenu auteur de bande dessinée et, plus précisément, auteur de BD pour adultes ?

Je suis devenu écrivain et dessinateur principalement par passion. Je lisais beaucoup de bandes dessinées et j'ai commencé par émulation. Avec le temps, j'ai pensé que cela pouvait devenir un travail et j'ai commencé à me proposer à différents éditeurs, jusqu'à ce que j'entame une première collaboration avec Eura Editoriale en Italie. L'érotique m'a toujours fasciné, j'ai publié une série d'histoires courtes en Italie jusqu'à ce que je propose mon premier livre en couleur, Māra, aux éditions Tabou.

Y a-t-il, pour vous, une différence entre la BD érotique et la BD pornographique ?

Bien sûr, il y a des différences évidentes et ce ne sont pas tant les scènes explicites que l'histoire qui comptent. Dans l'érotisme, même s'il y a des scènes explicites, comme dans mes histoires, les scènes de sexe restent fonctionnelles et au service de l'histoire, qui est la partie importante. Dans la pornographie, l'histoire n'est qu'un petit prétexte pour justifier les scènes de sexe, qui occupent 90 % du « temps ».

Comment est née l'idée de Māra ?

Māra est née de ma passion pour les femmes fortes et indépendantes. Je voulais un personnage comme celui-là, mais avec un passé mystérieux et compliqué. Māra est indépendante, c'est une écrivaine célèbre, elle est forte. Impossible de lui marcher sur les pieds.

En 2024, Tabou décide de regrouper les cinq tomes initialement publiés entre 2011 et 2016 dans une intégrale. Pages 3 à 5, on trouve un début d'histoire, qui est le début du tome 1, La Folie lucide. Pouvez-vous nous expliquer ce début qui est décroché du reste du récit temporellement parlant ?

En réalité, il n'y a qu'un lien partiel entre les deux. Māra est une justicière, au début de l'histoire, et raconte ses « aventures » dans ses livres, qui sont si incroyablement forts et réalistes. À la page 10, ce qu'elle écrit dans son carnet est exactement ce qui s'est passé dans les premières pages.

Quand vous avez publié La Folie lucide, l'avez-vous conçu comme un one-shot ou aviez-vous déjà le scénario de toute la pentalogie ?

J'avais déjà la pentalogie en tête, le logo de Māra en est la preuve. Je ne veux pas en révéler trop à ceux qui n'ont pas lu l'histoire, c'est expliqué dans le cinquième volume. Le premier tome peut sembler être un one-shot parce que c'était ma première bande dessinée franco-belge et que je ne savais pas si elle continuerait ou non à l'époque et je ne voulais pas laisser l'histoire en suspens.

Avez-vous respecté les étapes traditionnelles de la réalisation d'une BD, à savoir synopsis, scénario, storyboard, crayonné, encrage, ou avez-vous shunté certaines étapes ?

Je ne les ai suivies que pour le premier volume de Māra. Pour tous les autres – et je travaille toujours ainsi – après avoir écrit le synopsis, je passe directement au storyboard. Les autres étapes sont ensuite le crayonnage, la révision à l'encre acrylique et la mise en couleur.

Comment avez-vous travaillé le scénario ?

Dans le premier volume de Māra, j'ai travaillé sur le scénario en essayant de rester détaché en tant qu'illustrateur. Puis je me suis rendu compte que c'était un peu inutile et que dessiner directement le storyboard était beaucoup plus amusant.

Sans dévoiler la fin de la série, une chose surprend dans les dernières pages, celle que l'agnelle est en fait une louve, alors que dans le scénario de la série, pour être une louve, comme Mara, il faut avoir subi le processus du bain, etc., or Élisa ne l'a pas suivi. Pouvez-vous nous expliquer ce rebondissement qui égare le lecteur en toute fin ?

Mara le dit dans les dernières pages lorsqu'elle parle à David, puis dans ses réflexions lorsqu'elle est dans le bain. En réalité, tous reçoivent « le bain », loups et agneaux, mais tous ne développent pas les compétences nécessaires. Élisa se révèle plus forte que l'Ordre pensait et Mara le sait. C'est pourquoi elle l'appelle « louve ». C'est une allégorie pour dire que nous ne devons pas être ce que les autres veulent que nous soyons.

Toujours à la fin, vous parlez d'une inversion du Saint Suaire, mais on ne le voit nulle part. Quel était le ressort scénaristique l'incluant ?

D'après les paroles du cardinal à la fin, où il apparaît qu'il y a eu un accord entre la « vraie » Église et Mara.

Il y a une évolution notable dans votre style graphique entre le tome 1, La Folie lucide et le tome 5, La Main de Dieu. Avez-vous changé de technique ou est-ce votre style qui a évolué ?

Dans le premier volume de Māra, j'étais lié à un style graphique similaire aux bandes dessinées que je publiais en Italie, mais progressivement, j'ai décidé de le rendre plus réaliste, j'ai fait beaucoup de recherches et d'exercices sur l'anatomie humaine, tout en essayant de trouver des plans plus cinématographiques et une couleur fonctionnelle pour le style plus réaliste, comme la couleur à l'huile.

Comment avez-vous travaillé le dessin ?

En pratique, mes mises en page sont numériques, car elles sont soumises à l'approbation du rédacteur en chef et plus faciles à modifier. Ensuite, je transfère le tout sur papier, où je reprends les crayons, les retravaille avec une encre acrylique, créant ainsi des mezzotintes.

Comment avez-vous travaillé la couleur, car c'est indéniablement l'un des points forts de votre œuvre, quasi photographique par moment ?

À l'exception du premier volume de Mara, tous les autres sont en coloration à l'huile, ce qui, en prenant soin d'éviter les longs temps de séchage, permet d'obtenir des effets incomparables.

Combien de temps vous a demandé, au total, la série, et avez-vous passé un temps équivalent sur chaque album ?

La série a été réalisée sur une période de six ans, soit environ un an pour chaque volume.

Avez-vous une anecdote relative à cet album ?

La couverture rassemble (presque) tous les éléments des autres ;-)

Après Achille, vous vous êtes attaqué à une adaptation pornographique d'Ulysse, dont vous avez déjà sorti deux tomes. Où en est le tome 3 ? Sera-t-il le dernier de cette série, et vous attaquerez-vous à l'Odyssée ensuite ?

Ulysse se termine avec le troisième volume, après quoi nous passerons à l'adaptation d'un autre héros de la mythologie grecque.

Witching Yours et Bee Spies n'ont pour le moment pas eu de suite. Avez-vous totalement stoppé ces deux séries ?

Il ne faut jamais dire jamais ! Bee Spy est une histoire indépendante, bien qu'il y ait un petit cliffhanger à la fin. Witching Yours a été interrompu parce que c'est mon projet le moins bien vendu, mais je réfléchis à la façon de continuer, au moins avec un dernier volume.

Quels sont vos projets ?

Il s'agit probablement d'un autre panthéon mythologique, mais nous sommes encore en train de voir lequel avec l'éditeur.

Le 5 novembre 2024