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Interview de Dominique Monféry, à propos de La Neige en deuil

Couverture de la BD La Neige en deuil

Découvrez les coulisses de la bande dessinée La Neige en deuil, parue aux éditions Rue de Sèvres, en lisant l'interview de son auteur, Dominique Monféry.

D'où vous est venue l'envie d'adapter le roman d'Henri Troyat ?

J'ai lu pour la première fois le roman vers l'âge de 13-14 ans, à l'école. C'est un des premiers livres non-illustrés que j'ai lu et l'histoire m'avait marqué. Tout au long de ma vie, j'y revenais de temps en temps, sans arrière pensée, juste pour le plaisir de le relire jusqu'au jour où, après Mortel imprévu, mon éditrice, Nadia Gibert, m'a proposé d'adapter un livre que j'aimerai faire. Je lui ai proposé La Neige en deuil. Elle l'a lu avec enthousiasme, a décroché les droits et c'était parti !

Votre adaptation est saisissante. Les pensées d'Isaïe dans les cartouches y sont pour beaucoup. On est dans la tête d'Isaïe durant tout le récit et cela donne une force encore plus tragique à la fin de l'histoire. Ce choix narratif s'est imposé dès la lecture du roman ?

J'essaie, dans la mesure du possible, de rester fidèle aux romans que j'adapte. Troyat a écrit son roman en se focalisant sur le personnage d'Isaïe. Une grande partie de l'histoire passe par le ressenti du personnage principal, je me voyais mal pouvoir faire autrement sans générer une certaine distance avec lui.

Comment avez-vous procédé pour adapter le roman d'Henri Troyat ? Comment passe-t-on des notes de lecture et de la documentation au scénario, avec son rythme propre et son découpage façon BD, tout en conservant le rythme du récit initial, mais aussi pour vous approprier l'histoire et en devenir légitimement un nouvel auteur ?

Sur La Neige en deuil, cela a été facile. Suite à mes nombreuses lectures par le passé ; j'étais habité par l'histoire, ma vision d'auteur était claire, à tel point qu'il n'y a pas eu de notes de lecture et un scénario écrit. Je l'ai développé directement à l'étape du story-board en suivant l'axe narratif suivant : Isoler Isaïe encore plus que dans le roman.

Avez-vous repris les dialogues écrits par Henri Troyat ?

Oui, beaucoup. Pour rester fidèle au roman.

Le roman d'Henri Troyat se termine-t-il ainsi ? Le lyrisme de votre adaptation donne l'illusion qu'Isaïe va pouvoir revivre comme avant, sans la crainte de perdre la maison familiale, mais quid du corps ? S'il est découvert, justice et asile seraient la véritable fin de cette histoire.

Pour la fin, là aussi, je suis resté fidèle au roman. Chacun peut déduire ce qu'il voudra sur la suite des événements, mais une chose est sure ; Isaïe a perdu le fil de la réalité. Il était déjà déconnecté du monde suite à son accident et se tournait beaucoup dans le passé. Hormis ses brebis, son seul lien avec le présent, était son jeune frère qu'il a élevé seul. Isaïe s'est perdu à partir du moment où il a perdu son frère et qu'il est redescendu dans la vallée.

Certaines cases sont très proches d'un rendu visuel de photo, comment travaillez-vous graphiquement ?

Dans son roman, Troyat ne mentionne pas précisément les lieux de l'action, cela me plaisait, car il laissait place à mon imaginaire, loin d'une documentation trop lourde. Le film d'Edward Dmytryk étant très loin du roman, il m'a servi de documentation pour la mode de l'époque. Mais, je ne suis pas un montagnard, je me suis donc inspiré de photos pour faire les planches en noir et blanc sur papier, les scanner et les coloriser numériquement.

Combien de temps vous a demandé cette adaptation ?

Sept à 8 mois.

Avez-vous une anecdote relative à cette histoire ?

Elle est purement technique et a été ma plus grande angoisse avant de démarrer le projet. Les feutres spéciaux avec lesquels j'ai dessiné Mortel imprévu et qui permettaient un rendu texturé, n'existent plus dans le commerce. Il m'a fallu trouver d'autres outils pour retrouver les mêmes sensations. Merci madame Gouache !

Sur quoi travaillez-vous actuellement et quelles seront vos prochaines publications ?

Nadia Gibert m'a suggéré un roman qui lui plaisait : Une pour toutes, de Jean-Laurent Del Socorro. Je l'ai lu et je suis tombé amoureux du couple principal de l'histoire ; une jeune fille cherche à s'émanciper du monde des hommes, en compagnie du Diable. C'est une comédie, un registre très différent de mes précédents albums chez Rue de Sèvre. Je l'ai adapté en un one shot, l'album se termine et devrait sortir au mois d'avril. On commence à réfléchir sur le prochain… À suivre ;)

Le 7 novembre 2023