Interview d'El Diablo, à propos de Métal hurlant 12 : H.P. Lovecraft – Murmures et chuchotements

Découvrez les coulisses de la revue de bande dessinée Métal hurlant 12 : H.P. Lovecraft – Murmures et chuchotements, parue aux éditions Les Humanoïdes Associés, en lisant l'interview de l'un de ses auteurs, El Diablo.
Comment avez-vous été amené à rentrer dans « l'équipe » de Métal hurlant ?
Je travaille avec Adrien Vinay, éditeur de qualité, depuis quelques années déjà. Notamment sur Les Basses Œuvres, et plus récemment sur un très beau projet Carnaval (avec Joran Tréguier). Lorsque Adrien est passé de chez Dupuis aux Humanos, j'ai très naturellement fait le saut avec lui. Par ailleurs, j'étais dans ma jeunesse un grand lecteur de Métal Hurlant. C'était donc très cohérent pour moi d'y collaborer quand l'opportunité s'est présentée via Adrien.
Quel a été le point de départ de La Clairière, cette nouvelle dessinée dont vous signez le scénario pour le Métal hurlant 12 : H.P. Lovecraft – Murmures et chuchotements ?
J'ai toujours admiré l'œuvre de Lovecraft, et quand j'étais jeune, j'étais rôliste. Dans ce domaine, mon univers préféré était de loin celui du jeu Call of Cthulhu. Je suppose que traiter de l'entité Shub Niggurath était une envie qui me trottait en tête de longue date. Je lisais aussi pas mal de trucs d'horreur très pulp, genre Tales from the crypt, Creepshow… J'ai voulu raconter une histoire telle que Bernie Wrightson ou le regretté Corben (lui-même grand admirateur de l'univers Lovecraftien) auraient pu mettre en scène. Mais Nicolas Gemoets n'a rien à envier à Corben question talent, et son interprétation graphique sublime encore ce petit récit horrifique, avec une touche « cartoon » en plus qui, personnellement, m'émoustille beaucoup.
Que représente pour vous H.P. Lovecraft ?
Lovecraft a toujours été une GROSSE inspiration pour moi. Sur la forme, ce n'était pas un grand écrivain, son style d'écriture était un peu limite (parfois pompeux, avec des dialogues très verbeux), en revanche, l'univers et le panthéon qu'il a développés m'ont toujours fasciné. Lovecraft ne mettait pas l'humain au centre du monde :; dans son système, nous ne sommes qu'une poussière d'étoile totalement négligeable au sein d'une nébuleuse de créatures infiniment plus puissantes que nous, qui au mieux nous méprisent, au pire nous ignorent complètement, tant nous sommes insignifiants. Cette idée m'a toujours fasciné, car elle résonne beaucoup avec ma vision du monde et de la place qu'occupe notre espèce : nous n'avons rien de divin et n'avons pas de mission suprême à accomplir. Notre disparition n'aura sans doute aucune incidence pour le reste de l'Univers. Personnellement, je trouve l'idée rassurante.
Abordez-vous de la même manière le scénario d'une nouvelle de neuf planches que celui d'une BD de plus de 200 pages comme Carcajou ?
À part la taille du chantier, je dirais : oui. Je me laisse toujours guider par l'inspiration. Pour moi, raconter une histoire, c'est comme visiter une maison de la cave au grenier avec une lampe de poche. Selon la façon dont on se balade dans les pièces, on ne la décrira pas de la même façon. En faisant une visite éclair en s'intéressant uniquement au papier peint ou à la déco, on peut raconter un récit très ramassé… ou au contraire, on peut choisir de s'attarder sur chaque meuble, ouvrir chaque tiroir, faire l'inventaire de tout ce qui s'y trouve, et développer une histoire très complexe, aux multiples embranchements et péripéties.
Comment avez-vous rencontré Nicolas Gems, le dessinateur, et comment avez-vous travaillé ensemble ?
Quand j'ai proposé ce projet à Adrien pour Les Basses Œuvres (Webtoonfactory), il m'a tout de suite proposé ce jeune dessinateur que je ne connaissais pas et qui n'avait pas encore fait ses armes dans la BD. J'ai immédiatement accroché Je me suis senti comme un Obiwan qui découvre un jeune Skywalker. Son talent n'a eu de cesse de s'accroitre et de se développer, à une vitesse fulgurante. Son style a une résonance parfaite avec le type de récit que j'aime développer. Un match parfait ! La collaboration s'est faite très facilement, Nico étant un grand amateur de mes œuvres précédentes (Monkey Bizness, Lascars…) et moi, j'ai tout de suite adoré son style. Nico est quelqu'un de très communicatif, et les échanges artistiques entre nous ont été tout de suite très fluides. Je lui ai déjà dit que je rebosserai volontiers avec lui sur un autre projet, en fait, dès qu'il en aura envie.
Combien de temps vous a demandé l'écriture du scénario et combien de temps a demandé l'album au total ?
Si on parle de la nouvelle pour le MH spécial Lovecraft, ça a été assez rapide (tout s'est fait en deux mois, du premier pitch oral à la livraison des planches). Quant aux Basses Œuvres, qui vont sortir en version papier aux Humanos dans pas très longtemps, on parle de 25 chapitres mensuels, donc ça s'est étalé sur plus de deux ans… Et actuellement, Nico bosse sur l'adaptation planche par planche, ce qui est un sacré boulot, car passage du format « lecture verticale » à un format plus « classique ». Résultat, un bel album one-shot qui fera presque 300 pages.
Y a-t-il d'autres projets qui se sont ajoutés depuis ceux que vous évoquiez dans l'interview relative à Carcajou ?
Ces jours-ci, je travaille sur l'adaptation animée de ma BD Wesh ! Caribou avec l'équipe qui a créé Les Têtes à claques, ici au Québec. Je suis également sur deux nouveaux projets d'album BD (mais pas assez développés pour que je puisse en parler pour le moment), ainsi qu'une série télé. Je suis toujours sur cinq projets en même temps, c'est comme ça qu'on survit, nous autres artistes non subventionnés :)
Le 24 août 2024