Interview d'Emmanuel Moynot, à propos de La Suprématie des underbaboons

Découvrez les coulisses de la bande dessinée La Suprématie des underbaboons, parue aux éditions Glénat, en lisant l'interview de son auteur, Emmanuel Moynot.
Comment êtes-vous devenu auteur de bande dessinée ?
J'ai frappé aux portes où il y avait de la lumière, on m'a laissé entrer.
Comment est née l'idée de La Suprématie des underbaboons ? Le terme « underbaboons » existe-t-il réellement ?
Le mot « underbaboons » est une dérivation du mot « underdog », fréquemment utilisé dans le langage courant pour désigner les individus de second rang. J'ai découvert au travers d'un documentaire le travail des époux Sapolsky et l'anecdote de la troupe du dépotoir. J'ai immédiatement eu l'idée du titre. La construction du scénario est venue ensuite. Toute l'idée du récit est donc centrée sur l'utopie d'un monde où les mâles dominants sont remplacés, brutalement ou progressivement, par une génération de mâles tolérants et libertaires.
Comment avez-vous travaillé le scénario ?
Comme à mon habitude, en décrivant d'abord à grands traits l'intrigue à destination des éditeurs éventuels, puis en découpant le récit page à page, par tranche de dix pages. Je regarde avec avidité depuis des décennies les documentaires sur les primates et il y a longtemps que j'ai remarqué la similitude des comportements humains avec nombre de traits des primates non-humains. J'ai donc recherché les sources dont j'avais le souvenir pour les intercaler dans l'intrigue principale.
La Suprématie des underbaboons utilise une structure très particulière. Vous organisez votre thriller en chapitres chassés croisés et vous insérez entre chaque un bref chapitre intercalaire dédié aux primates. Comment avezvous eu cette idée ?
Ce n'est pas le premier récit choral que je mets en scène. Un exemple notable est No Direction, titre auquel cet album est directement lié. C'est une structure narrative qui me convient bien. Au départ, les considérations sur les primates servaient uniquement de prologue et d'épilogue. Mais alors que mon scénario était à l'étude chez divers éditeurs, m'est venu l'idée de collecter mes connaissances sur le sujet et de les utiliser pour rythmer le récit. Franck Marguin, mon éditeur, avait eu la même idée et s'est trouvé ravi que j'y ai pensé.
Avez-vous respecté les étapes traditionnelles de la réalisation d'une BD, à savoir synopsis, scénario, storyboard, crayonné, encrage, ou avez-vous shunté certaines étapes ? Comment avez-vous travaillé le dessin ?
Je dessine toujours sur papier, par étapes successives : esquisse ou storyboard, crayonné, que je réalise aux feutres, et dessin définitif à la plume et au pinceau. Les masses qui deviendront la couleur d'accompagnement, je les place au dos de la planche, par transparence à la table lumineuse.
Vous avez fait le choix de la bichromie. Bistre pour la partie sur les singes, et bleu pour la majeure partie du thriller. Vous avez également fait des inserts de rouge sang et de rose dans le récit principal. Pourquoi ces couleurs et pourquoi la bichromie ?
La bichromie, je l'avais mise en place dans No Direction, auquel cet album fait suite. Elle avait pour effet recherché d'évoquer les comics cheap de mon enfance, les chapitres étant séparés par des illustrations couleur pouvant passer pour les couvertures de fascicules de ces mêmes comics. J'ai repris la technique ici comme j'ai repris le personnage de Colleen Thompson, en référence à mon ouvrage précédent. J'ai voulu en effet différencier les intermèdes documentaires du récit principal, le bistre évoquant mieux la nature, le bleu froid la dureté du récit. Le rouge sang m'a été nécessaire pour des séquences où le bleu ne fonctionnait pas, le rose s'imposant pour la description d'un univers adolescent féminin.
Le livre est un thriller couplé à des études éthologiques. Pourtant, la couverture rappelle l'univers de La Planète des singes. Pourquoi ce choix ?
Aucun désir d'égarer le lecteur. Je ne suis tout simplement pas un lecteur ou un spectateur de la franchise évoquée. Je n'y ai donc pas pensé.
Combien de temps vous a demandé, au total, l'album ?
Difficile à dire dans la mesure où j'ai travaillé en parallèle sur un autre livre, L'Armée des ombres. Je dirais à la louche entre 12 et 14 mois.
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Anecdote qui concerne aussi No Direction. Personne ne semble l'avoir remarqué, mais Thompson et Thomson sont les noms de Dupond et Dupont dans Tintin. Chez moi, de plus, mes Dupondt s'appellent Colleen et Colin, qui se prononcent quasi de la même façon.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Je vais bientôt m'attaquer à une version développée d'un récit court que j'avais réalisé dans Le Crime parfait, un collectif paru chez Philéas. Ce sera pour moi l'occasion de revenir en France, après une trilogie américaine (No Direction, Cherchez Charlie et La Suprématie), à Bordeaux plus précisément, où je réside.
Le 12 octobre 2024