Interview de Guillaume Meurice et Sandrine Deloffre, à propos de La Révolte sans précédent

Découvrez les coulisses de la bande dessinée La Révolte sans précédent, parue aux éditions Dargaud, en lisant l'interview de ses auteurs, Guillaume Meurice, le scénariste, et Sandrine Deloffre, la dessinatrice.
Comment est venue l'idée de La Révolte sans précédent qui est parue sous forme de strip dans Mâtin quel journal ! sur Instagram.
Guillaume Meurice : Assez rapidement, et assez naturellement. Avec Sandrine, on partage cette préoccupation commune qu’est « le sort que l’espèce qui se considère la plus évoluée de cette planète réserve aux autres espèces ». L’idée de voir des animaux se révolter nous plaisait bien. Et comme cette révolte n’avait aucun précédent, on a décidé de manière très habile de titrer le livre ainsi. Car nous sommes très habiles. Sandrine est très forte en roulade, par exemple.
Sandrine Deloffre : Seulement en roulades avant. Oui, l'idée nous est venue vite après un incroyable brainstorming. J'ai déjà parlé de maltraitance animale dans mon album précédent, diffusé sur Mâtin également. C'est un sujet qui me tient à cœur, et Guillaume aussi, alors j'ai dit « banco » et il a dit « bingo » au même moment.
Guillaume Meurice, vous êtes humoriste et chroniqueur, vous qualifieriez-vous également de scénariste ?
Disons que j’aime bien écrire des trucs. Et qu’en plus, j’aime bien les trucs rigolos. C’était ma première expérience en bande dessinée et j’avoue que je me suis éclaté. Le fait que ce soit avec Sandrine avec qui j’ai beaucoup de complicité y est sans doute pour beaucoup. Pas certain que je me sois autant amusé si j’avais collaboré (sic) avec Éric Ciotti.
Guillaume Meurice, comment avez-vous été amené à rencontrer Sandrine Deloffre et à scénariser ses strips ?
Notre rencontre a d’abord eu lieu sur les réseaux sociaux. Ça fait longtemps que je suis le travail de Sandrine et qu’elle me fait marrer en grande quantité. Puis Clotilde Palluat et Coralie Muller de Mâtin quel journal ! ont eu l’idée de nous réunir pour nous proposer une série de strips sur Instagram. Je pense qu'aujourd’hui, elles doivent un peu se sentir comme les producteurs de Stone et Charden, d’Alain Souchon et de Laurent Voulzy, de Starsky et Hutch, d’Olive et Tom, de Tic et Tac… Bon, je crois que vous avez compris l’idée.
Sandrine Deloffre, vous êtes autrice de BD. Vous avez signez en 2022 Sandrine & Flibuste contre la maltraitance animale. Comment êtes-vous devenue autrice de BD et pourquoi avoir décidé de porter en BD votre engagement envers la cause animale ?
C'est grâce à Mâtin si je suis devenue autrice de bande dessinée. Au départ, j'y faisais des dessins de presse, et un jour, Clotilde, la rédac-chef m'a dit : « Tu te sentirais capable de faire une BD complète ? » Et la réponse était « non », mais ma langue a fourché et j'ai dit « oui ». Ensuite, je n'avais plus le choix. Concernant la maltraitance animale, c'est un sujet qui me titille depuis bien longtemps, je l'ai directement proposé à Mâtin. Je n’étais pas très « vocale » avant ça sur mon engagement pour les animaux, mais avec cette proposition, j’ai trouvé comment en parler. Ça a coïncidé avec le moment où j'ai adopté mon chien, Flibuste. Il est donc tout naturellement devenu le scénariste de l'album.
La Révolte sans précédent comporte certes des strips, mais est avant tout une bande dessinée one shot, avec un début et une fin qui surviennent page 48. À quel moment avez-vous décidé de sortir des strips pour en faire une BD de 48 pages ?
Guillaume Meurice : Assez tôt parce qu’on a eu assez vite pas mal d’idées. On en a eu tellement qu’on trouvait dommage que cela soit uniquement destiné aux réseaux sociaux. Alors on a convaincu nos éditrices d’en faire une bande dessinée, en usant de bonnes vieilles techniques de harcèlement moral, de coups de pression et de menaces en tout genre (tête de poney coupée dans leur lit, kidnapping de chaton, blocage de notre respiration, etc.).
Sandrine Deloffre : Dans le milieu du neuvième art, c’est pratique d’avoir les adresses des écoles que fréquentent les enfants des éditeurs. Pensez-y. Et oui, on voulait une BD avec une histoire qui se suit, et parallèlement, des strips courts, qu’on appellera des « séquences » importantes dans l’avancée de l’histoire. Qui se termine souvent en gag, en silence gênant ou en clin d’œil complice (car nous sommes des professionnels).
Cyril Hanouna, Pascal Praud… Vous avez inclus dans cette histoire un nombre conséquent de vraies personnalités. Avez-vous un retour de certains et si oui, quel est-il ?
Guillaume Meurice : Pas encore, mais on espère bien. Même si l’on n’est pas très certain que Cyril Hanouna soit très à l’aise avec l’idée de lire des trucs. On ne voudrait pas non plus qu’il se blesse.
Sandrine Deloffre : On a plus ou moins peur de rien, à part moi un peu des requins, alors que ça n’a aucun sens, parce qu’ils sont adorables. Et les requins ont un super rôle dans la BD, donc on ne risque rien.
La BD utilise le running gag avec le masque du blaireau, mais aussi les gauchistes à tabasser par les flics… Le lecteur retrouve dans cet album une irrévérence jubilatoire qui est soulignée par le décalage entre un humour à destination des adultes et un dessin évoquant un livre pour enfants. N'était-ce pas un parti risqué que de jouer sur un tel décalage pour un produit pour adultes ?
Guillaume Meurice : Alors non ! Je m’insurge ! Didier n’est pas un blaireau. C’est un raton-laveur ! Rends ta carte de presse, la mouette hurlante ! Pour ce qui est du risque, il faut savoir qu’on adore ça. Moi, par exemple, il m’arrive régulièrement de traverser alors que le feu piéton est au rouge (en ayant préalablement regardé à gauche et à droite, puis encore à gauche, bien évidemment, tout de même). Quant à Sandrine, je vous ai déjà parlé de ses roulades ?
Sandrine Deloffre : On est tous les deux très portés sur l’humour et l’irrévérence, dans cet album on a vraiment fait ce qu'on savait/aimait faire. De mon côté, j’ai toujours joué sur le décalage, en faisant dire des choses horribles à des personnages adorables et colorés. On s'est fait plaisir. D'ailleurs, on dit souvent que même si on ne vend que deux ou trois albums, c'est pas très grave, parce qu'on s'est vraiment bien amusé. Mais achetez-le quand même.
Vous abordez également dans ce livre, en fil rouge, l'état d'esprit de Fristouille. La dernière page de l'album est d'ailleurs un twist remarquable prenant totalement le lecteur au dépourvu et dont le graphisme ne peut que résonner. Cette fin qui s'ajoute à la vraie fin de l'album était-elle prévue depuis le début ?
Guillaume Meurice : Tout est prévu depuis le début ! (rire machiavélique) Fristouille est notre personnage principal. C’est une chienne abandonnée qui découvre ce gang d’animaux déters (comme disent les jeunes) et qui décide de mener la révolte avec eux. Comme on la suit pendant tout l’album, il nous paraissait logique de terminer avec elle. Mais on ne spoilera rien. Je me suis déjà trop fait engueuler en disant que dans Sixième Sens, Bruce Willis est mort depuis le début.
Sandrine Deloffre : BRUCE WILLIS EST MORT DEPUIS LE DÉBUT ?
Guillaume Meurice, comment avez-vous travaillé le scénario ?
Une fois que l’on a eu cette idée de révolte des animaux, on s’est mis d’accord sur ceux qui constituaient le gang. Jean-Louis, le renard pas très malin, Catherine la licorne, Michel le bonobo qui ne pense qu’au sexe… Ensuite, il s’agissait de les mettre en situation, de tenter des choses, de les voir réussir, échouer, douter, se prendre la tête… etc. J’écrivais une base d’histoire et de dialogues, et après on s’appelait en visio avec Sandrine pour se mettre d’accord sur le découpage et trouver ensemble de nouvelles idées. Et on riait beaucoup. C’est même scandaleux d’être payé pour s’amuser autant. Mais on prend l’argent quand même, hein !
Sandrine Deloffre, comment avez-vous travaillé le dessin et la couleur ?
Je fais mes planches sur iPad, via le logiciel Procreate. J'ai choisi d'utiliser pour cette BD un effet crayon de papier, une colorisation au crayon de couleurs. On m'a plusieurs fois dit que l'illusion était parfaite (c'est faux, personne ne m'a dit ça). En tout cas, j'ai proposé ce traitement graphique à Guillaume, sans raison particulière réfléchie en amont. Et comme il trouve que j’ai toujours raison, il trouvait que j’avais raison.
Combien de temps vous a demandé l'album au total ?
Guillaume Meurice : Difficile à dire. Il faut savoir que Michel-Ange a mis 4 ans pour peindre le plafond de la chapelle Sixtine. Moi, je pense qu’on a mis moins de temps pour un résultat à peu près équivalent. Mais ce n’est pas un concours.
Sandrine Deloffre : Ça m'a pris 12 minutes, mais c'est parce que j'ai eu une galère de stylet à un moment donné.
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Guillaume Meurice : Oui, je me suis retrouvé dans une situation cocasse dans le train. J’étais en train de bosser sur l’album, et qui vient s’asseoir à côté de moi ? Riad Sattouf. Je ne sais pas si c’est un bon présage pour nous. En tout cas, il est fort sympathique et on a bien rigolé. Même si je lui ai dit qu’avec nous, la concurrence allait être trop rude pour lui et qu’il ferait mieux de se reconvertir.
Sandrine Deloffre : Je n’ai pas d’anecdotes relatives à cet album, mais une fois j’ai croisé Florent Pagny au BricoDépôt.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Guillaume Meurice : On travaille sur le tome 2. L’idée, c’est d’en faire une saga, puis une série d’animation, puis de gagner un Oscar, puis une comédie musicale, puis un show à Las Vegas (dans lequel Sandrine fera des roulades).
Sandrine Deloffre : On travaille sur le tome 2, et sur le casting des voix pour la série d’animation. C’est important de prendre de l’avance, pour ne pas être pris de court. De mon côté, je travaille aussi sur un album d’illustrations humoristiques pour les éditions Exemplaire, et le scénario d’une BD jeunesse pour Albin Michel avec Madd au dessin. Et je pense que Guillaume nous prépare de nouveaux scénarios BD. En tout cas, il devrait, à mon avis. Et j’ai toujours raison.
Le 8 octobre 2024