Interview de Jean-Côme, à propos de Fileuses de soie

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Fileuses de soie, parue aux éditions La Boîte à Bulles, en lisant l'interview de son dessinateur, Jean-Côme.
Fileuses de soie est votre premier album de bande dessinée. Comment êtes-vous devenu dessinateur ?
Je dessinais plus que les autres pendant la fin de l'enfance et l'adolescence. Mais contrairement à beaucoup de dessinateurs et dessinatrices pro, j'ai fait une pause de quelques années avec le dessin. J'ai commencé par me perdre dans des études et un métier qui ne me plaisaient pas. À la fin de mes études, j'ai voyagé et j'ai emporté un carnet de voyage et j'ai recommencé à dessiner pour la première fois de ma vie adulte. C'était comme des retrouvailles avec une partie de moi-même. Depuis, j'ai dessiné de plus en plus, le soir après le travail et le week-end. Je suis allé voir une expo à la Maison de la BD à Blois ; dans une salle, on expliquait comment faire de la BD, quelles sont les étapes habituelles. J'étais fan de BD. Ce fut une nouvelle Épiphanie. À partir de là, je n'ai rien eu envie de faire autant que de la BD. Pendant quelques années, j'ai dessiné de plus en plus, participé à quelques zines. Et puis, à 28 ans, j'ai lâché le boulot que j'avais et je suis rentré dans l'école d'art Kunsthochschule Weissensee à Berlin, où j'habite. J'avais décidé que je voulais vraiment consacrer ma vie au dessin et, si possible, à la BD.
Quel est votre style de prédilection dans la bande dessinée ?
Je lis des BD de tous les styles et j'admire des dessinateurs et dessinatrices aux styles très variés. Même si j'ai une préférence pour le semi-réalisme. Je crois que mon style n'est pas encore très fixé, et qu'il souffre encore de ces influences trop variées : j'admire le dynamisme de Blutch, Blain, Gomont ou Catherine Meurice, mais aussi la poésie plus paisible chez Alfred, le trait simple et efficace d'Aude Picault, la ligne ultraclaire de Chris Ware… Mes pages changent de style, et si je regarde une planche que j'ai dessinée il y a longtemps, je peux deviner quelles BD j'avais dû lire ou relire dans les jours précédents.
Comment avez-vous rencontré Bruno Lecigne et Sylviane Corgiat, les deux scénaristes de Fileuses de soie ?
Via notre éditeur. J'avais envoyé un projet de BD à La Boîte à Bulles au moment où ils cherchaient quelqu'un pour dessiner le scénario de Bruno et Sylviane. Mon projet ne les intéressait pas, mais Quentin Guibereau, éditeur à La Boîte à Bulles a apprécié mon dessin et m'a demandé si j'étais partant pour dessiner Fileuses de soie. J'ai dû faire quelques planches test et Bruno et Sylviane ont confirmé que mon dessin leur plaisait aussi.
Comment avez-vous travaillé avec Bruno Lecigne et Sylviane Corgiat ?
Nous nous sommes rencontrés et appelés quelques fois, notamment au début du projet quand il a fallu se mettre d'accord sur le style et sur les recherches de personnages. Puis pour débriefer le storyboard. Pour la partie la plus longue du projet, dessiner les planches au propre, j'étais plus autonome. Je leur envoyai régulièrement les nouvelles planches pour qu'ils les valident ou m'indiquent les quelques petites corrections nécessaires.
Avez-vous reçu un scénario strict ou laissant la place à l'improvisation, notamment au niveau de la mise en page ?
Le scénario était très détaillé, décrivant case à case ce qu'il se passait. Mais dès le début du projet, on m'a laissé une grande liberté pour modifier le découpage ou les dialogues. Et je crois que j'ai tout réarrangé à ma façon, en ajoutant des cases ici ou en en réunissant là. Je gardais simplement le même nombre de pages pour chaque scène, et je n'ai rien changé aux arcs narratifs déployés dans le livre.
Comment avez-vous travaillé le dessin et la couleur ?
Le dessin est analogique. Je fais un crayonné sur des feuilles d'imprimantes toutes simples, avant de reprendre à l'encre (avec plumes et pinceaux, parfois stylo) sur un beau papier, en plaçant le crayonné en dessous, sur une table lumineuse. Les couleurs sont numériques, je les ai faites avec le logiciel Clip Studio Paint.
Brigitte Albero signe en fin d'ouvrage un cahier documentaire sur les usines-pensionnats de la soie. On retrouve dans ce cahier de nombreuses photographies d'époque. Avez-vous échangé avec Brigitte Albero pour les décors, les costumes, avez-vous utilisé des photographies qu'elle vous a fournies ou avez-vous réalisé votre propre documentation en amont ?
Bruno et Sylviane m'avaient envoyé au début du projet une grande quantité d'images de documentation. Ils connaissaient Brigitte, à qui ils ont demandé, une fois la BD terminée, si elle voudrait bien écrire ce cahier documentaire. Son travail apporte une vraie valeur au livre.
Combien de temps vous a demandé le dessin de l'album ?
Il s'est passé un an et demi entre le moment où j'ai commencé le storyboard et la fin du dessin au propre. Mais j'ai travaillé sur d'autres projets en parallèle, notamment lorsque j'attendais des retours sur le storyboard.
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Là, comme ça, il n'y a rien qui me vient.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Je dessine une nouvelle BD pour La Boîte à Bulles sur un scénario d'Alice Geslin : une biographie romancée de Mary Ann Bevans, star du freak show dans les années vingt, qui s'exposait en tant que « femme la plus laide du monde ».
Le 2 juin 2024