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Interview de Jonathan Munoz, à propos du Petit journal d'un gros fragile

Couverture de la BD Le Petit journal d'un gros fragile

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Petit journal d'un gros fragile, parue aux éditions Fluide Glacial, en lisant l'interview de son auteur, Jonathan Munoz.

Après avoir scénarisé six de vos 7 BD, six fictions, vous choisissez de partir sur une biographie pour la 8e, pourquoi ce choix ?

Je m'apercevais que dans mes bédés, il y avait de plus en plus de choses autobiographiques qui s'insinuaient dans mes histoires de fiction. C'est donc assez naturellement que l'idée d'écrire mes souvenirs est arrivée.

Pourquoi avoir fait le choix d'arrêter l'album à vos 11 ans ?

J'ai l'impression qu'il y a plusieurs grandes étapes dans la vie. Qu'elle est découpée en strates. Le passage de l'école au collège par exemple est un changement radical de paradigme. Je trouvais ça important de terminer le premier livre juste avant cette rupture. Juste avant la fin de l'enfance.

Combien de tomes sont prévus pour le Petit journal d'un gros fragile ?

Le deuxième tome à la base n'était pas prévu, mais comme on a tous bien aimé le projet, on a décidé de continuer :) Après le deuxième, je ne peux pas me prononcer, en général ça dépend des ventes, mais dans l'idéal, j'aimerais bien en faire trois.

Chaque histoire prend réellement ses origines dans votre enfance, où vous avez romancé, voire inventé, certaines d'entre elles ?

Toutes les histoires de ce livre partent d'un souvenir bien réel. Même s'il est vrai que pour le besoin d'un livre, on est parfois obligé de romancer.

Vous abordez, au fond, le divorce, le coming out de votre maman, et le regret de ne pas avoir choisi de vivre avec votre papa, dans des petites touches qui donnent une réelle sensibilité à l'album, et qui permettent de le distinguer de simples gags autour d'un enfant. Est-ce venu au fil de l'écriture, ou était-ce aussi l'occasion de faire passer un message, voire de poser un regard nostalgique sur cette période ?

Tous les souvenirs sont revenus assez naturellement à moi. Sans que j'ai besoin de chercher. C'est bizarre, mais en l'écrivant, j'avais la sensation que ça faisait des années que je préparais à écrire ce livre dans ma tête. Et qu'il ne me restait plus qu'à le coucher sur le papier. Et je n'ai pas eu d'autres prétentions que d'apporter le témoignage d'une vie. En l'occurrence la mienne. D'ailleurs, à l'origine, le projet s'appelait tout simplement J'ai vu….

Pourquoi ne pas avoir conservé ce titre ?

Avec les éditeurs, on pensait que ce n'était peut-être pas assez parlant pour le public. Et que ça faisait un peu pub pour lunettes de vue. Un titre à trouver, c'est vraiment compliqué. Je pense qu'il y a eu au moins 100 propositions de titre pour en arriver à Petit journal d'un gros fragile. Mon préféré à moi, c'était Une goutte dans la pluie, mais a priori, ça faisait un peu trop poetic lover.

Après Titeuf, Ducobu…, pensez-vous qu'il reste encore des gags innovants, hormis ceux ancrés dans sa propre enfance ?

Oui, je le pense sincèrement. Tout a déjà été écrit, tous les sujets ont pour la plupart déjà été traités. Mais il y aura toujours une façon innovante de l'exprimer, qui apporte une nouvelle subtilité de point de vue à l'événement de la vie.

Comment avez-vous créé le charadesign des personnages de votre entourage et de vous-même. Quels ont été les retours des diverses personnes ?

J'essaye de simplifier au maximum le design de mes personnages, et de ne garder que peu d'éléments visuels qui font leur singularité. La subtilité réside plus dans leur façon d'agir. Et en grande majorité, les gens ont plutôt bien réagi. Surtout que j'essaye au maximum d'échanger en amont avec la personne concernée.

Comment travaillez-vous ?

Tout le travail préparatoire ainsi que le dessin sont réalisés sur papier. Le crayonné est réalisé sur un format A4, qui est scanné puis imprimé en bleu sur un format A3 pour l'encrage. L'informatique n'est utilisée que pour la mise en couleur, faite par la très talentueuse Anne-Claire Thibault Jouvray.

Autant Un Léger bruit dans le moteur et Les Dormants avaient un trait commun, autant Petit journal d'un gros fragile se distingue de ces albums et est plus près des traits utilisés pour Annick Tamaire. Mais vous utilisez encore un style différent dans d'autres albums, comme dans L'inconnue du bar. Comment arrivez-vous à changer ainsi de style en fonction des sujets abordés ?

J'ai toujours beaucoup aimé changer de style. J'ai d'ailleurs réalisé un ouvrage qui s'appelle Le Dessein (Glénat, 2017). Dans lequel je m'amusais avec différents styles tout au long du récit. C'est une façon de jouer avec le langage. Étant dyslexique, j'ai pas mal de difficultés à l'écrit. Faute d'arriver à respecter les conventions, je suis un grand créateur de nouvelles syntaxes et d'orthographe. J'ai très vite appris à m'amuser avec les codes graphiques pour être mieux compris.

Combien de temps vous a demandé cet album ?

Il m'a demandé un an de travail.

Pourquoi avoir confié la couleur à Anne-Claire Thibaut-Jouvray, alors que pour la plupart de vos albums vous la réalisiez vous-même ?

La première raison était pour gagner du temps. La seconde, et non des moindres, est que de travailler avec quelqu'un, ça apporte forcément des choses auxquelles vous n'auriez pas pensé tout seul. Anne-Claire, par exemple, ose mettre des verts dans le ciel.

Avez-vous une anecdote sur cet album ?

Après avoir lu l'album, mon oncle m'a dit que je n'étais pas bien fini des boyaux de la tête.

Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?

Je travaille actuellement sur le tome deux du «Petit journal d'un gros fragile. J'essaye aussi de monter un petit projet top secret avec des copains.

Le 20 octobre 2023