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Interview de Jordi Lafebre, à propos de Je suis leur silence

Couverture de la BD Je suis leur silence

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Je suis leur silence, parue aux éditions Dargaud, en lisant l'interview de son dessinateur, Jordi Lafebre.

Comment est née l'idée de Je suis leur silence ?

L’idée est venue de plusieurs côtés. Je travaille les scénarios d’une façon dont il y a plusieurs sujets dont j’ai envie d'en parler. Dans ce cas, je voulais faire un polar, mais parler aussi de la maladie mentale et traiter le sujet de la famille depuis une perspective un peu décalée. Le travail du scénariste, c’est de mettre tous ces éléments en synchronie.

Rarement dans une bande dessinée one-shot, un scénario policier est aussi bien réalisé. Vous avez pris le temps d'utiliser le procédé de la consultation avec le docteur Llull comme prétexte au flashback. Comment avez-vous réussi à vous affranchir du format bande dessinée pour rendre la même intensité et impression de scénario que dans un roman textuel, alors que vous utilisez un gaufrier à grandes cases et que les dialogues ne sont pas si bavards que cela ?

Voilà, il y a en effet plein de sujets, comme la psychiatrie ou le policier dans l’album, et un mélange de tons et de genres, le polar, la comédie… Il faut arriver à l’essentiel de chaque sujet, et laisser le lecteur tout savourer, construire le récit dans sa tête, afin que tout reste en harmonie avec le reste des ingrédients. Pour une bande dessinée, c’est aussi important qu’on montre ces détails qu’on laisse sans montrer. Alors, il faut savoir couper, ne pas abuser de dire certaines choses. Il faut absolument faire confiance en l'intelligence du lecteur.

Dans la BD, Eva entend des voix, sa mère est bipolaire. Outre le procédé scénaristique, on voit au paragraphe que vous avez écrit sur les maladies mentales dans la page de remerciements, que ce sujet vous tient à cœur. Est-ce que l'intérêt pour ce sujet était présent dès le début de l'écriture, ou s'est-il développé au fur et à mesure que vous creusiez la psychologie des personnages ?

Traiter les maladies mentales est la base de cet album. Je pense que c’est un sujet important dont il faut parler et le normaliser en même temps. Les chiffres de maladies mentales n’arrêtent pas de monter, c’est un signe de notre société un peu malade. C’est un sujet délicat, mais en même temps, je voulais donner un peu de l’espoir et le traiter d’une manière un peu légère.

Page 61, vous dessinez le tatouage “silence” qu'Eva se fait faire après la mort de sa grand-mère. Le même mot est présent dans le titre. Pouvez-vous revenir sur la signification et la symbolique que vous lui donnez dans ce récit ?

Eva a tout plein de tatouages, et chacun a une signification pour elle. Mais je préfère laisser le lectorat deviner ou imaginer.

Vous commencez et vous terminez Je suis leur silence par une page pleine montrant des immeubles anciens, le ciel, la mer… Pourquoi ce choix, est-ce comme un fondu, afin de jouer avec l'intensité du récit ?

Barcelone, la ville où j'ai grandi et habité pendant des années, reste un des sujets importants pour moi dans l’album. Barcelone  a une tradition littéraire énorme, avec ces grands romanciers et auteurs de BD, et j’aime bien lui faire un hommage. 

Comment travaillez-vous le dessin et la couleur ?

Le dessin et les couleurs sont en numérique, sur Ipad et ordinateur.

En fin d'album, il est écrit : « Prépartion des couleurs : Clémence Sapin, Bruno Tatti, Laëtitia Ferouelle, Angelina Rodrigues et Romain Rosiau ». Qu'est-ce que la “préparation des couleurs” ?

L’album a mon nom à la couverture, mais il y a une équipe de professionnels qui m’ont aidé à le réaliser. Tout d'abord, mon éditrice et toute l'équipe éditoriale qui fait un sacré travail. Il y a aussi la traductrice ( de l’espagnol au français ), le chef graphiste… Et c'est grâce aussi à eux que le bouquin arrive aux librairies. Pour les assistants de couleur, il s’agit des couleurs à plat avant de faire la gamme finale.

Combien de temps vous a demandé la réalisation de cet album ?

Beaucoup de temps ! Je préfère ne pas compter, ha ha !…

Avez-vous une anecdote relative à Je suis leur silence ?

Un album, c’est difficile à faire, laborieux. Chaque album fini est un petit miracle, et chacun a des petites anecdotes, sans doute. Mais à la fin, c’est le lecteur qui se plonge dans l'histoire qui est l'important.

Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?

Je travaille sur d'autres albums à venir. Je travaille aussi dans le milieu d’animation. J’alterne les différents, c’est très enrichissant !

Le 16 janvier 2024