Interview de Karine Bernadou, à propos de Elsie A.

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Elsie A., parue aux éditions Dargaud, en lisant l'interview de sa dessinatrice, Karine Bernadou.
Comment êtes-vous devenue dessinatrice ?
J'ai toujours adoré dessiner, mais pendant longtemps je pensais que dessiner n'était pas un « vrai métier ». Au lycée, j'hésitais encore entre le métier de dessinatrice et celui de vétérinaire. C'est ma prof d'arts plastiques qui m'a un jour dit : « tu pourrais être illustratrice ». Ça a été un déclic !
Comment avez-vous rencontré Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil, les scénaristes, et comment avez-vous travaillé avec eux ?
On est copains depuis une dizaine d'années. On habitait tous à Nantes et je leur avais confié, au cours d'une soirée, le fait qu'après quatre albums de BD en tant qu'autrice complète, j'avais envie de faire des collaborations. Ils sont revenus vers moi quelques temps après avec une proposition de scénario. Ce qui était génial, c'est que c'était une histoire sur mesure : un récit féministe et onirique au cœur du Mexique. J'ai tout de suite eu un coup de cœur pour ce récit !
Avez-vous reçu un scénario strict ou laissant la place à l'improvisation, notamment au niveau de la mise en page ?
Roxanne et Cyril ont co-scénarisé l'histoire. Cyril a fait un découpage page à page, mais j'avais pas plus d'indications que ça en terme de cadrage ou autre. Ce qui m'allait parfaitement, car j'ai eu une grande liberté. J'ai imaginé la mise en scène, le découpage case par case et la mise en page. Par endroits, j'ai même rajouté des pages pour donner plus de force à certaines scènes. Grâce à tout cela, j'ai pu raconter avec « ma voix »…
Comment avez-vous travaillé le dessin ?
Tout est peint à l'aquarelle sur du papier tendu sur des planches en bois. Je peins le fond, je monte mes valeurs et, à la fin, je peins le trait…
Ce qui frappe à la lecture d'Elsie A., ce sont les couleurs, chatoyantes et participant grandement à l'immersion du lecteur. Comment avez-vous défini la gamme chromatique et comment avez-vous travaillé la colorisation ?
Dès que j'ai lu le scénario, j'ai rempli des carnets entiers de recherche couleur. J'étais en transe ! L'enjeu de la couleur m'est apparu comme une évidence dans cette histoire. La gamme chromatique a un rôle narratif fort. Au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans la jungle et que le récit se déstructure, la couleur quitte tout réalisme pour devenir vibrante et fantomatique.
Combien de temps vous a demandé le dessin de l'album ?
J'ai commencé à travailler dessus il y a cinq ans. Mais en parallèle, j'ai eu beaucoup de projets : j'avais une série jeunesse en parallèle chez Bayard, Tilda sur les toits, avec Ced au scénario, des commandes en illustration, etc. J'ai du mal à évaluer le temps effectif, mais c'est clair que la technique de l'aquarelle est très chronophage, bien que passionnante !
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Il y a cinq ans, j'ai été invité par le réseau des Alliances françaises en Équateur, qui m'a demandé de réaliser un carnet de voyage dans les villes des différentes Alliances. J'ai demandé au coordinateur du projet de finir mon voyage en Amazonie en lui expliquant que je voulais revoir la jungle car « j'allais travailler sur une histoire où une femme devient folle dans la jungle ». Il semblait un peu inquiet, mais il m'a finalement envoyé.
Quel est votre ressenti sur cet album maintenant qu'il est terminé ?
Faire un album de 100 pages à l'aquarelle, c'était de la folie pure ! Et à la fois, je suis hyperheureuse du résultat, je me suis donnée à 250 % ! Comme l'héroïne, j'ai moi-même l'impression de clore une aventure. Pour moi, c'est la fin d'un chapitre !
Si vous deviez revenir sur une case, laquelle serait-ce et pourquoi ?
Pas facile comme question. Je crois que la magie de la BD et de faire des planches de BD en traditionnel, c'est qu'elles ont été faites en un temps T. On a fait au mieux et, finalement, elles sont comme elles sont. Avec leur défaut et leur qualité. Un peu comme nous…
Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Je travaille sur des commandes en illustration. J'ai également commencé à réécrire sur deux projets de BD que j'avais initiés il y a longtemps. Le premier est à mi-chemin entre le carnet de voyage et l'auto-bio où je raconte mon expérience de voyage en Équateur… Une expérience à la fois drôle et un peu mystique. Et le second projet s'appelle Hystéria. C'est un petit personnage féminin hystérique, hyperviolente et nymphomane en couple avec une limace. Pour faire court, c'est de l'humour à la tronçonneuse !
Le 22 juin 2025