Interview de Léonard Chemineau, à propos de La Brute et le divin

Découvrez les coulisses de la bande dessinée La Brute et le divin, parue aux éditions Rue de Sèvres, en lisant l'interview de son auteur, Léonard Chemineau.
Comment vous est venue l'idée de La Brute et le divin, et que signifie ce titre ?
L'idée est venue d'une envie de raconter une histoire avec pour cœur l'écologie, sans être ni moralisateur, ni déprimant, ni dans le documentaire. Le titre, quant à lui, vient évoquer notre rapport à notre environnement et celui d'Eva, à différents moments du récit.
Vous dites en fin d'ouvrage : « Ce livre germe depuis de nombreuses années, a existé sous une multitude de versions. Abandonné à plusieurs reprises, repris, élagué, retravaillé puis aminci jusqu'à l'os, il constitue enfin l'histoire que vous venez de lire. » Pouvez-vous nous parler des versions abandonnées ?
Tout d'abord, il y avait une version très dure, où le héros était un homme qui mourrait. Ensuite, il y a eu des habitants d'une île voisine qui venaient lui rendre visite. Puis le héros est devenu une héroïne.
Toujours par rapport à votre propos cité dans la question 2, pourquoi ce livre vous tient tant à cœur, pour qu'il vous poursuive ainsi depuis tant de temps ?
Il me tient à cœur depuis longtemps, car il correspond à ma vision du monde et un peu à mon histoire personnelle. J'étais moi-même ingénieur avant d'être auteur de BD. Et je travaillais sur les thématiques du développement durable.
Le livre est imprimé sur papier recyclé, avec des encres végétales, sans alcool. Vous avez souhaité un livre aussi neutre possible pour l'environnement, même si, comme vous l'expliquez sur le rabat de la couverture, tout n'est pas possible. Par exemple, le livre est imprimé en Belgique et non en France. N'est-ce pas difficile de travailler pour l'industrie du livre quand on a des valeurs ancrées dans une responsabilité écologique ?
Toute activité humaine est assez difficile lorsque l'on commence à se préoccuper de ces questions. Je crois qu'il faut essayer de changer l'endroit où l'on est, le plus possible. Il faut lever les barrières les unes après les autres.
La Brute et le divin montre l'envers du décor de la transition écologique. Et l'on peut prolonger cette réflexion en se disant que toute consommation aura toujours un effet dévastateur sur l'environnement. Le récit dénonce aussi un système capitaliste indissociable de l'industrie et de la surproduction. Comment pouvons-nous renverser la tendance et se comporter de manière vraiment respectueuse pour l'environnement ?
Je crois vraiment que la manière la plus efficace et radicale d'agir est de montrer que l'on n'est pas d'accord. À tout instant, et en particulier dans sa vie professionnelle. Il faut arriver à mettre un sabot dans la machine, là où on est. Et c'est souvent possible, sans prendre des risques inconsidérés. C'est tout l'objet de la BD.
Page 16, vous faites dire à l'employée du ministère de la transition écologique : « Vous devez pourvoir à votre voyage et à vos besoins sur place ». N'est-ce pas un clin d'œil pour montrer toute la bêtise de ce ministère, qui n'assume aucun de ses choix et le manque de moyens mis en œuvre pour certaines choses, alors que des milliards sont gaspillés dans une contre-transition écologique, comme avec le chantier des Jeux olympiques par exemple ?
Oui, on peut le voir comme cela. C'est surtout le fruit d'une documentation précise, car cette situation a existé lorsque le Conservatoire du littoral avait proposé ce type de partenariat à des candidats pour investir une petite île en Bretagne. Je l'avais lu dans un article de presse et cela m'a inspiré.
Comment avez-vous travaillé ce livre ? Tout d'abord, son scénario ?
Et bien, je l'ai travaillé de manière à ce que ce soit très fluide à lire. Très prenant. Avec un peu les codes du thriller. Cela me paraissait là aussi intéressant d'avoir cette trame narrative pour raconter une histoire sur l'écologie. Cela n'avait pas été fait avant à ma connaissance, et cela permettait de dynamiser le propos.
Pour le dessin, avez-vous opté pour une démarche tout papier ou tout numérique ? Les deux présentant des avantages et des inconvénients, tant pour la création que dans la démarche écologique.
Comme sur tous mes albums, je travaille tout d'abord le story-board numériquement, avec Clip Studio Paint, ce qui me permet de corriger, de modifier des centaines de fois. Ensuite, j'ai réalisé la version finale sur du papier aquarelle, avec des encres fluides qui permettent d'obtenir de grandes intensités de couleurs.
Avez-vous une anecdote à propos de cet album ?
Je reviens d'Angoulême, et j'ai appris que la paroisse d'Angoulême avait mis à disposition une pile de La Brute et le divin dans l'église. Je suppose qu'ils se sont arrêtés à la couverture. Mais bon, si cela peut permettre de sauver quelques âmes égarées…
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Je travaille sur un one-shot avec Wilfrid Lupano. Une histoire de pirates !
Le 3 février 2024