Interview de Mazan, à propos des Dinosaures du paradis : Naissance d'une aventure paléontologique

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Les Dinosaures du paradis : Naissance d'une aventure paléontologique, parue aux éditions Futuropolis, en lisant l'interview de son auteur, Mazan.
Comment êtes-vous devenu auteur de bande dessinée ?
Ma première passion a été la paléontologie, ce qui m'a permis d'apprendre à lire, à écrire et à dessiner. Le dessin est très vite devenu mon moyen d'expression principal, le moyen d'intéresser mes copains. À la maternelle, je dessinais mes camarades de classe en leur affublant des noms de dinosaures. De fil en aiguille, j'ai remonté le temps en illustrant l'Histoire avec un grand H. L'Antiquité, plus précisément. Les récits de BD en rapport avec mes passions historiques ont commencé à investir les étagères de ma bibliothèque pendant que je créais mes propres histoires. Un seul avenir à l'horizon pour moi à l'époque : devenir auteur de bandes dessinées. J'ai investi l'atelier de BD aux Beaux Arts d'Angoulême en 1985, remporté l'Alfred Avenir (juste avant que ça devienne les Alph'Art) en 1988 et signé mon premier contrat avec le jeune Guy Delcourt qui avait à peine 30 ans, la même année. La suite : des albums partant un peu dans toutes les directions, des rencontres, etc.
Les Dinosaures du Paradis est une bande dessinée à part. Outre le sujet, la forme est un régal pour les yeux. Vous mêlez les photos aux dessins, vous insérez des cartes, des croquis, des documents… Et vous dessinez parfois dessus. Comment avez-vous réussi à organiser dans une forme scénarisée une telle quantité d'informations ?
Pour cet album, je voulais avoir une liberté totale de ton et de mode d'expression. Je ne voulais pas faire un album de BD classique. Je voulais un vrai carnet de voyage… dans l'espace et le temps. Utiliser le maximum des dessins présents dans mes carnets de fouilles, mes photos et celles de l'équipe paléontologique ainsi que les documents glanés dans mes road trips. Pour la partie Laos, il y a tous mes croquis de terrain et j'ai scrupuleusement suivi ce que j'avais écrit jour après jour dans mon journal de bord entre 2010 et 2012. Le but : embarquer le lecteur comme moi, je fus embarqué dans cette aventure, en improvisant la forme au fur et à mesure du récit. Les éditions Futuropolis m'ont laissé carte blanche.
Vous dessinez votre femme plusieurs fois dans la BD. Pour ceux qui ne l'auraient pas reconnue ou n'auraient pas fait le rapprochement, il s'agit d'Isabelle Dethan, avec qui vous avez réalisé nombre de projets en bande dessinée, dont Mimo sur la trace des dinosaures. Isabelle Dethan a-t-elle été, elle aussi, sur les chantiers de fouilles ou sa passion pour les dinosaures est moindre que la votre et n'y a-t-elle pas été ?
Oui, en effet, Isabelle est sur le terrain de fouilles d'Angeac-Charente… Elle gratte le sol avec nous et fait aussi des croquis. Elle s'intéresse plus aux gestes des fouilleurs (dans son dessin) qu'à une quelconque représentation scientifique des fossiles ou à la reconstitution des paléoenvironnements et des bestioles antédiluviennes. Mais il faut imaginer que mettre les fesses dans le bac à sable à la recherche de fossiles dans une ambiance de colonie de vacances est super déstressant. Et un auteur de BD, mine de rien, a besoin de pauses dans son quotidien de raconteur d'histoires dessinées. De là à échanger son pinceau d'aquarelliste pour une truelle d'archéologue ou de paléontologue, il n'y a qu'un pas.
Les Dinosaures du Paradis : Naissance d'une aventure paléonthologique se lit comme un document de travail, comme un journal de bord. Ce qui en fait un document que l'on prend plaisir à rouvrir pour revoir telle ou telle partie, sans tout relire. De fait, cela devient un ouvrage de référence auprès du grand public. Y avait-il une volonté dès le départ de vulgariser, ou était-ce plus le partage qui a primé ?
Oui, c'était l'idée. Un récit scientifique autour de mon expérience, si possible pas chiant (ce qui n'est pas évident). Je suis devenu un « paléoartiste » depuis une dizaine d'années et on me commande beaucoup d'illustrations paléoreconstructives : pour des magazines et des publications scientifiques, des expositions, des musées ou des sites d'interprétation. Je suis un passeur. Je fais la transition entre le paléontologue et le public.
Avez-vous respecté les étapes traditionnelles de la réalisation d'une BD, à savoir synopsis, scénario, storyboard, crayonné, encrage, ou avez-vous shunté certaines étapes et à quel moment les inserts ont été pensés ?
Comme je l'ai dit, il s'agit d'improvisation pour la forme. J'ai écrit tout d'abord 180 pages en étant au plus proche de mes carnets de fouilles et ensuite j'ai travaillé mes planches en suivant ce document sans me préoccuper du nombre de pages que devait faire cet ouvrage.
Comment travaillez-vous le scénario ?
Je ne le travaille pas, je le vis. L'aventure dans le réel est tellement extraordinaire et prenante qu'il s'agit juste de retranscrire le vécu. Comme il ne faut pas trop perdre le lecteur avec des notions scientifiques pointues, mon travail le plus dur a été de rendre le tout limpide pour le novice. Mais là… J'avais Isabelle Dethan pour veiller au grain !
Dans la vidéo L'Atelier de Mazan, de la chaine YouTube Comixtrip, on vous voit dessiner un dinosaure. Comment avez-vous travaillé le dessin pour Les Dinosaures au Paradis, avez-vous reproduit des croquis pris lors des fouilles ou les avez-vous entièrement retravaillé ?
Les croquis sont bruts de décoffrage. Pour les photos, il a fallu souvent que je les retouche pour lisser la colorimétrie en fonction des éléments de la page. Quelquefois, rajouter un personnage qui n'était pas sur la photo à l'instant où je l'avais prise. Mais tout est vrai.
Combien de temps vous a demandé, au total, l'album ?
Ouille. L'idée était déjà là dès la fin de la première mission au Laos, en 2012. Mais il y a eu tout d'abord Mimo 1 et 2 aux éditions Eidola, J'ai parlé du projet à Alain David des éditions Futuropolis en 2016 et il a été bien patient. Vu que je travaille beaucoup en dehors de la BD, on va dire qu'il m'aura fallu 5 ans de boulot pour réaliser cet opus si on met tout bout à bout.
Avez-vous une anecdote relative à l'album Les Dinosaures du Paradis : Naissance d'une aventure paléontologique ?
« Les Dinosaures du paradis » était le sous-titre que j'avais prévu pour Mimo 2 (qui est à présent Mimo et les dinos des antipodes), écarté par mon éditrice pour qu'on évite les confusions avec la sphère créationniste. Pas que de la gueule, j'ai de la suite dans les idées et je suis têtu. Futuro m'avait bien dit « carte blanche ».
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Beaucoup de commandes en dehors du monde BD. Sinon… vous avez remarqué que ces 224 pages ne brossent que les années 2010 à 2012 ?… Croyez-moi, on n'a pas chômé depuis ^^ et il y a encore plein de choses à raconter.
Le 14 mars 2024