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Interview de Nicolas Bastide, à propos de Magma

Couverture de la BD Magma

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Magma, parue aux éditions Glénat, en lisant l'interview de son auteur, Nicolas Bastide.

Comment êtes-vous devenu auteur de bande dessinée ?

Graphiste de formation, je travaillais dans une agence de conception de packaging dans la région parisienne, quand j'ai fait la rencontre de Bruno Tatti, une pointure parmi les coloristes de bande dessinée. Il me mis en contact avec les éditions Soleil, et voilà que rapidement, je passais un test qui s'avérait concluant afin de prendre en charge la couleur sur des albums. Après quelques années à faire ce travail chez divers éditeurs, ainsi qu'un atterrissage à Angoulême au sein de l'atelier du Marquis (un collectif d'auteurs), je pris le temps de me mettre en pause afin de développer un projet d'album sur lequel je serais scénariste, dessinateur et coloriste : Magma, que je parviens à signer aux éditions Glénat.

Quel a été le point de départ de Magma ?

Le point de départ est venu par le dessin. À l'origine, j'avais dessiné trois planches, celles d'Asiel dans la séquence du cimetière où il pille une tombe, avec l'intention de démarcher un scénariste à qui elles auraient pu donner des idées. Finalement, je me suis pris au jeu de l'écriture, jusqu'à écrire seul l'histoire (non sans quelques conseils précieux de collègues auteurs). J'avais le désir de créer une histoire proche du conte fantastique, sombre, voire métaphysique par certains côtés (si ce n'est pas trop prétentieux) et de fil en aiguille, d'autres intentions, d'autres influences sont venues se mêler à la création.

Avez-vous respecté les étapes traditionnelles de la réalisation d'une BD, à savoir synopsis, scénario, storyboard, crayonné, encrage, ou avez-vous shunté certaines étapes ?

Le fait de travailler seul sur l'album m'a un peu donné la liberté d'adapter la formule, puisque je n'avais personne à qui faire valider une étape avant de pouvoir passer à la suivante. Le revers de la médaille de cette liberté est que le chaos venait souvent s'inviter au milieu des post-its. Disons que le séquençage par quelques lignes de chaque scène m'a servi de base de travail pour ensuite dessiner directement page après page. Je n'ai pas fait de storyboard entier de l'album avant de passer au dessin comme la plupart le font, je n'aurais pas su faire. D'autant plus que les dialogues ont évolué tout du long également. J'ai fait confiance à ma vision globale pour avancer. « Organique » serait le bon mot afin de décrire mon processus de travail sur Magma :).

Comment avez-vous travaillé le scénario de Magma ?

Je ne me considère pas comme scénariste, mais puisqu'on m'a donné ma chance, je me suis confronté à l'exercice en essayant au maximum d'intégrer du sens aux situations et aux parcours des personnages. Mythes, religions, croyances, des thématiques se sont vite dégagées après mes premières séances d'écriture et j'ai essayé de construire mon histoire autour d'elles. L'idée qu'un livre, le journal de Sarah, fasse office de messager qui établit un pont entre les protagonistes à travers le temps est venue assez rapidement et je me suis attaché à ce symbole pour fabriquer la double temporalité. J'avais ainsi une forme de structure sur laquelle m'appuyer pour ensuite agglomérer d'autres idées que je voulais intégrer.

Page 74, Sarah a inscrit sur son journal intime : « Peeters a posé ses sales mains sur moi, sa volonté est de me soumettre ». La scène précédente montre une altercation entre Peeters et Sarah. Avez-vous voulu insinuer que Peeters aurait abusé de Sarah ?

Je ne pense pas qu'il y ait à interpréter ici. L'altercation en question montre la soumission au dogme que Peeters essaie d'imposer à Sarah et le poids de la culpabilité qu'il veut lui faire peser sur les épaules. Cela va déclencher une réponse chez elle à laquelle il ne s’attendait pas. J'ai essayé d'évoquer que la foi était à considérer comme une décision intime, mais votre question semble faire appel à un sous-entendu que je n’ai pas souhaité montrer.

Le livre d'Hénoch nomme sept archanges : Uriel, Raphaël, Raguel, Michael, Sariel, Gabriel et Jerahmeel. Le personnage principal de Magma reprend la même syllabe finale, puisque le héros se prénomme Asiel. Au vu de la fin de l'album, est-ce un hasard ou avez-vous choisi ce prénom pour évoquer ce côté de passeur ou de messager divin ?

J'ai probablement dû trouver taquin d'ajouter un Saint-Ange aux listes officielles, j'espère que l'on m'en excusera :).

Comment avez-vous travaillé le dessin ?

Excepté des textures faites à l'encre de Chine sur du papier (et ensuite scannées pour être intégrées à l'étape de la couleur), tout l'album est dessiné sur outils numériques.

Magma présente des couleurs très travaillées. Comment avez-vous obtenu ce résultat ?

Comme indiqué dans ma réponse précédente, c'est du numérique : l'ambiance et les couleurs que je souhaite sont intégrées au travers de mes scans de textures. De manière générale, je fais beaucoup de choses au feeling, à l'intuition, encore plus à ce stade où il faut aller vite.

Avez-vous une anecdote relative à cet album ?

J'ai glissé dans mes pages de nombreux clins d'œil aux groupes de musique qui m'ont accompagné durant la réalisation de l'album : Tool, Amenra, Chelsea Wolfe, Deftones et bien d'autres encore se cachent entre les dessins et les lignes.

Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?

Je débute mon travail sur un nouvel album, toujours aux éditions Glénat, avec au scénario et à l'origine du projet Sébastien Laurier, au storyboard Jean-Luc Loyer et moi au dessin. Un bout de contexte : 1856, un huit clos dans un Édimbourg humide... Et vous n'en saurez pas plus pour le moment :).

Le 17 octobre 2024