Interview de Nikopek, à propos d'Arcadium

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Arcadium, parue aux éditions Ankama, en lisant l'interview de son auteur, Nikopek.
Le genre thriller horrifique est assez rare en BD, comment avez-vous eu l'idée d'Arcadium ?
Ce n'est pas faux. Le public est assez friand de films d'horreur, alors pourquoi pas en BD ! L'idée m'est venue il y a quelques années. J'ai grandi avec les films d'horreur, les vidéo-clubs ainsi que les salles d'arcade dans les années 80/90. J'ai toujours voulu écrire une histoire horrifique dans la lignée de John Carpenter et David Cronenberg (sans prétention, bien sûr ^^) dont je suis un grand admirateur. Tout s'est fait assez naturellement. Le point de départ étant les années 80 et une borne d'arcade.
Comment avez-vous construit votre scénario, car les histoires de mondes parallèles qui s'interconnectent et fusionnent pour se distordre sont souvent de véritables savonnettes scénaristiques. Comment évite-t-on les erreurs que l'on peut régulièrement voir dans les séries Z à ce sujet ?
C'est un genre qui m'a toujours fasciné, mais il m'a quand même fallu du temps pour écrire Arcadium. Je ne voulais justement pas tomber en glissant sur la savonnette et le seul moyen de l'éviter, c'est de bien connaître son sujet. Pour cela, il n'y a pas de secret, il faut lire, regarder des films, prendre des notes, analyser, décortiquer… Après, il faut reconnaître que mon imaginaire, assez barré, m'aide pas mal.
Pourquoi avoir choisi l'année 89 et le Montana ? Y a-t-il des allusions à des faits historiques ou des clins d'œil à des références dans Arcadium ?
J'ai choisi 1989 parce que j'aime particulièrement les années 80. J'ai grandi parmi elles et pour raconter une histoire dans laquelle on retrouve salles d'arcade et vidéo-clubs, rien de mieux. Pour le Montana, c'est un endroit où j'aimerai beaucoup aller. J'avais pensé faire ça en France et en fin de compte, je suis retourné aux États-Unis, sûrement à cause de ma culture cinématographique qui s'oriente davantage outre-atlantique.
Ce qui est fascinant dans ce genre de récit, c'est que le lecteur finit toujours par perdre pied, et ne sait plus ce qui est le jeu, l'univers A, l'univers B, la réalité, la folie… Comment avez-vous réussi à brouiller les cartes et à distordre le récit, tout en gardant sa logique et sa cohérence ?
J'ai dû mettre mes capacités neuronales à 200 %. Il m'est arrivé de perdre pied par moment, comme si j'étais moi aussi dans le jeu, dans Arcadium. Ça n'a pas été facile. Il a fallu écrire, beaucoup. Puis, à un moment, c'est venu naturellement. J'avais enfin réussi à comprendre ce qu'Arcadium attendait de moi.
Vous donnez l'impression d'utiliser une technique mixte par moment (sauf erreur de ma part, mais intrigué, j'ai sorti la loupe car ça m'intriguait cet ultra-réalisme des montagnes en arrière-plan et de la terre sur certaines cases ^^). Pourquoi ce choix, est-ce pour mêler réalité et jeu (le dessin), ou pour ajouter à la confusion du lecteur ?
C'est simplement parce que j'aime bien travailler différentes techniques. J'ai passé pas mal de temps à créer mes décors en 3D pour pouvoir ensuite me balader dedans. J'ai bossé aussi sur des photos que j'ai retravaillées, retouchées, bidouillées comme les montagnes et certains seconds plans.
Vous utilisez aussi un flou gaussien en arrière-plan, et un détourage des personnages par halo. Quelle est la raison de ces choix graphiques ?
Les flous sont là pour accentuer la profondeur de champ, comme dans un film. Quand j'écris une histoire, je me l'imagine comme un long métrage sur lequel je fais des pauses sur les plans les plus intéressants. Les détourages autours des personnages sont là pour les détacher de l'arrière-plan. Sans eux, ils pourraient trop se confondre.
L'usage du flou suggère une création numérique. Travaillez-vous entièrement en numérique, ou n'est-ce qu'une étape de votre travail ? Comment travaillez-vous ?
Je travaille un premier storyboard très rapide sur papier. Ensuite, je passe au numérique pour l'affiner, l'encrer et le mettre en colo. J'utilise Photoshop et une vieille tablette Wacom cintiq.
Faites-vous tout l'album en dessin, puis la couleur, ou faites-vous par lot de planches ou planche par planche ?
Je fais suivant mon envie. Je n'ai aucune logique. C'est total freestyle et du coup, je m'y perds un peu par moment ^^.
Combien de temps vous a demandé la création du scénario d'Arcadium, le dessin et la couleur ?
C'est dur à quantifier, car la vie m'a réservé quelques mauvais coups ces dernières années. J'ai été contraint de faire des pauses plus ou moins longues. Du coup, je ne peux pas trop répondre à cette question.
En fin d'album, vous partagez six planches de votre storyboard. Le fait de les voir ainsi sur une seule page permet une vue aérienne, qui permet d'apercevoir que vous utilisez une structure très proche des films d'horreur dans l'alternance des plans. Vous êtes-vous inspiré de certains films, si oui, lesquels ?
Pour être honnête, je ne lis pas beaucoup de BD. En revanche, je regarde beaucoup de films et notamment des films d'horreur depuis que je suis gamin. Je structure mes histoires comme des films et c'est donc pour ça que mon découpage est naturellement cinématographique. Mes inspirations sont inconscientes puisque totalement ancrées en moi. Mais si je devais citer des films, ce serait Videodrome, From Beyond, L'antre de la folie ou encore Le Prince des ténèbres.
Vous partagez également, en fin d'album, six recherches de couverture, et l'on découvre qu'Arcadium s'est appelé Arcadium 89 dans les trois premières moutures. Pourquoi avoir changé le nom, et qu'est-ce qui ne vous convenait pas dans les précédentes couvertures ?
Au début, ça s'appelait bien Arcadium. J'ai voulu y ajouter la date à laquelle se déroule l'histoire, mais en fin de compte, simplement Arcadium était plus percutant.
Avez-vous une anecdote à propos d'Arcadium ?
Quand Ankama a réalisé le trailer d'Arcadium, je voulais que ce soit Nicolas Lerille aka Christine qui s'occupe de la musique. J'admire son travaille depuis ses débuts et en plus, il habite à Rouen, tout comme moi. C'était une évidence, car nous avons exactement les mêmes références. Il s'est investi et s'investit toujours à fond sur notre collaboration, ce qui fait énormément plaisir. Il a su retranscrire musicalement ce que j'avais en tête. Il fait bien plus que la musique du trailer puisqu'il a réalisé plusieurs titres qui seront dispo via un QR code dans la BD. Une cassette, en exemplaires limités, est en cours de réalisation.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets futurs ?
Mon cerveau travaille sur plusieurs projets en ce moment. Un autre thriller horrifique, de la SF étrange et sombre. Mais actuellement, ce que j'aimerais beaucoup signer, c'est un drame social se déroulant en France en 1995 qui a pour nom, La Fracture. Tout est écrit en collaboration avec mon camarade Jean-François Caritte avec qui j'ai déjà travaillé pour la revue Arrrg ! il y a quelques années. Histoires que l'on peut retrouver dans Atroce. Bref, le dossier est prêt. Croisons les doigts !
Le 27 octobre 2023