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Interview de Paolo Antiga, à propos de Megalodon

Couverture de la BD Megalodon

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Megalodon, parue aux éditions Les Humanoïdes Associés, en lisant l'interview de son dessinateur, Paolo Antiga.

Comment avez-vous rencontré Christophe Bec ?

Notre contact s'est fait grâce à la collaboration entre Les Humanoїdes et Arancia Studio, que je tiens à remercier sincèrement pour le fantastique travail de coordination et d'édition du projet. Christophe est un auteur important avec une production sans limite et je me souviens encore très bien de mon bonheur lorsque les pages de test sont arrivées. Pouvoir participer à ce volume a été un honneur et une grande satisfaction.

Megalodon frappe par la quasi absence de texte dans la partie principale de la bande dessinée, axant la BD sur l'action et le dessin. Comment Christophe Bec vous a donné toutes les indications scénaristiques nécessaires au story board ? Était-ce juste une sorte de synopsis sur lequel vous avez déroulé, ou un vrai scénario détaillé ?

Christophe a fait un vrai scénario, en le complétant par des descriptions précises d'animaux et de lieux, et en y joignant des photos qui pouvaient m'aider dans la phase de dessin. Grâce à son écriture, je savais exactement ce que je devais dessiner dans chaque case. Je me suis beaucoup concentrée sur la grille de la page, en essayant de créer un mouvement et un rythme à travers les vignettes, en mesurant tout pour arriver à ce qui devait être, de temps en temps, le point culminant de la séquence.

Le travail du dessinateur sur cet album est énorme, et demande une parfaite connaissance des requins, cachalots, baleines, pour restituer leurs mouvements, les perspectives, les attaques… Comment avez-vous assimilé ces connaissances ? Avez-vous utilisé la modélisation et le 3D ?

J'ai toujours été un grand fan de documentaires, en particulier ceux qui se déroulent en mer. Je conserve encore les VHS de Jacques Cousteau sur le grand requin blanc que je regardais en boucle lorsque j'étais enfant, et à bien y réfléchir, je pense que ma passion pour les requins est née à cette époque. Je suis convaincu que tout cela a contribué à créer un arrière-plan visuel qui m'a beaucoup aidé dans la réalisation de l'album. Je me suis beaucoup concentrée sur le visionnage de différentes vidéos, afin de comprendre les mouvements et les torsions de ces créatures, de manière à pouvoir varier les prises de vue sans avoir toujours besoin d'une image de référence. J'ai découvert que le simple fait de trouver la bonne ondulation dans l'eau pouvait rendre une action efficace.

Vous avez choisi de donner un aspect contemporrain aux monstres du Miocène : le mégalodon est un requin géant, le monstre des pages 44-49 un saurien géant, le livyathan un cachalot, les premiers hommes des gibons, les oiseaux des rapaces, on voit aussi des loutres. Seuls les dauphins divergent de leur forme actuelle, et le dragon des mers qui est une création. Comment avez-vous décidé du chara-design ?

J'ai fait beaucoup de recherches pour savoir comment caractériser les différents animaux et je me suis rendu compte que les interprétations ou les reconstructions variaient considérablement. Mon raisonnement a donc été le suivant : "D'accord, rendons les choses aussi menaçantes que possible". Pour certains animaux, j'ai donc été plus fidèle à la science, tandis que pour d'autres, j'ai pensé à les limiter afin qu'ils soient plus reconnaissables pour le lecteur, de sorte qu'en les reliant à quelque chose qui existe réellement dans les mers d'aujourd'hui, il puisse en avoir plus peur. Il en va de même pour les humains ; je voulais que le lecteur puisse s'identifier à la situation et ne pas voir ces hommes primitifs comme un autre bon repas pour notre cher mégalodon. Qui a dit que le dragon de mer n'existait pas vraiment ?

Andrea Meloni signe un travail formidable à la couleur. Comment avez-vous travaillé avec, pour lui donner vos consignes, car ici, plus que dans beaucoup d'albums, le dessin est fait par vos traits et sa couleur.

Andrea est notre dragon des profondeurs : un maître, un roi de la couleur. Lorsque j'ai vu les planches de couleurs, je suis restée bouche bée et je dois avouer que j'ai été ému. Avec son art, il a su suivre chacune de mes marques, les mettre en valeur et donner à l'album une atmosphère et une profondeur uniques.

Comment travaillez-vous ?

Megalodon est en fait le premier volume pour lequel j'ai travaillé entièrement en numérique (j'utilise une cintiq 16 et un clip studio). Je dois admettre que la relation avec le papier et l'encre de Chine me manque toujours, mais malheureusement, j'ai des problèmes de vue qui m'empêchent de passer de nombreuses heures à la table lumineuse. J'espère pouvoir faire beaucoup de dédicaces sur l'album, ce qui me permettra de m'adonner aux techniques traditionnelles !

Combien de temps vous a demandé Megalodon ?

Environ deux ans, mais avec un quota relativement faible de planches mensuelles. Cela m'a permis de me concentrer sur le dessin et le développement des personnages et des décors.

Avez-vous une anecdote sur Megalodon ?

Au début du projet, j'ai également réalisé quelques essais couleur, l'idée étant de gérer moi-même l'ensemble du volume. Pour ce faire, j'ai pris comme référence le travail qu'Andrea avait réalisé sur Carthago. Je l'ai littéralement pillé ! En une journée de travail, je n'ai réussi à mettre en couleur que trois cases et j'ai rapidement réalisé que je ne pourrais jamais m'attaquer à l'ensemble de l'album. J'ai été hyper heureux lorsque j'ai appris que les couleurs avaient été confiées à Andrea, c'était exactement ce que j'imaginais, même s'il est allé bien au-delà de mes espérances !

Quels sont vos projets actuels ?

Je peux dire que je travaille sur plusieurs projets. Dans les mois à venir, je partagerai mon temps entre les thrillers et les futurs dystopiques.

Le 30 octobre 2023