Interview de Patrick Weber, à propos d'Ouessantines

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Ouessantines, parue aux éditions Glénat, en lisant l'interview de son scénariste, Patrick Weber.
Comment êtes-vous devenu scénariste ?
J'ai toujours aimé raconter des histoires et j'ai été biberonné aux grands noms de la BD. Un jour, j'ai eu envie de passer de l'autre côté de la barrière.
Quel a été le point de départ de Ouessantines ?
Un voyage à Ouessant qui m'a profondément marqué. Tout dans cette île me parlait : l'histoire, la nature et le tempérament de ses habitants. Surtout de ses habitantes, forgées par des siècles de vie difficile et admirables.
Depuis Ouessantines, vous avez publié, toujours avec Nicoby au dessin, Belle-Île en père, en 2015, Sang de Sein, en 2018, et Cache-cache mortel à Bréhat en 2022. Comment un auteur Belge devient-il un scénariste lié aux îles Bretonnes ?
Bonne question ! En fait, j'ai beaucoup voyagé en Bretagne et j'ai pas mal bourlingué dans ces îles. Ce qui me frappe, c'est qu'elles ont toutes une personnalité à part. Aucune ne se ressemble vraiment quand on prend le temps d'essayer de les comprendre. Et puis, il y a toujours quelque chose de remarquable dans une île qui ressemble à un petit monde en soi.
Ouessantines est une histoire autant de terroir qu'un thriller. Pourquoi avoir choisi le thriller pour aborder cette île si particulière ?
Cela fait partie de ma culture, de mes lectures, des films que j'aime. Mais je ne fais jamais du thriller pour du thriller… Mon ambition est de mêler des histoires d'hommes, de femmes avec leurs racines. Le lieu qu'ils habitent par choix ou par dépit. Les pierres ont beaucoup à nous raconter pour ceux qui savent les écouter.
Dans Ouessantines, vous abordez la vie rude des femmes au ⅩⅨe siècle, mais cette vie n'était pas endémique à Ouessant : on pouvait constater la même chose à Molène, Batz, etc. On pourrait aisément déplacer Ouessantines à Molène par exemple, car l'intrigue ne s'enracine pas sur des points typiques de l'île, comme le phare de la Jument ou Nivinic. Était-ce une volonté de parler à un plus large public ?
Vous avez raison, mais mon envie de raconter cette histoire est vraiment née de ma rencontre avec l'île. Il se fait que, dans mon cas, j'ai éprouvé ce choc à Ouessant. Je m'y suis promené et j'ai croisé des lieux qui m'ont marqué. J'ai aussi voulu éviter de faire de ce livre une succession de cartes postales touristiques.
Ouessantines est publié en chapitres de dix pages. Pourquoi ce chapitrage ? Y a-t-il eu une prépublication en magazine ?
Non pas de prépublication. C'est seulement la traduction de mon plaisir de faire du roman graphique. Il représente l'exacte rencontre du roman et de la bande dessinée : deux modes de création qui me plaisent particulièrement. J'aime le découpage par chapitre, il confie de l'ampleur, de l'espace à l'histoire. Et il donne aussi l'envie de passer au chapitre suivant.
Le concours de dessin de l'île a été réalisé par six enfants. Étaient-ce des enfants de l'école primaire publique Jacques Burel d'Ouessant ?
Il est imaginaire... mais pourquoi pas ?
Page 24, Yvonne rentre à l'église dans un dessin pleine page. Pourquoi y a-t-il la carte de visite du Rêve de Soizic en diagonal dans le bas droit de la page ?
Une idée de Nicoby, pour la lisibilité et le renvoi vers le cœur de l'histoire de l'héroïne. Si Soizic vient sur cette île, c'est avant tout pour concrétiser son rêve et ouvrir son B&B.
Comment avez-vous travaillé le scénario de Ouessantines ?
Comme je le fais toujours, chapitre après chapitre sur base d'un séquencier général de l'histoire, lui-même issu du synopsis.
Comment avez-vous rencontré le dessinateur breton Nicoby ?
Grâce à notre éditeur bien-aimé, que je remercie !
Combien de temps vous a demandé l'écriture du scénario et combien de temps a demandé l'album au total ?
J'ai toujours beaucoup de peine à répondre à cette question… Je voyage beaucoup et parfois une idée germe pour se concrétiser des années plus tard. Mais une fois que tout est clair et que l'envie est là, je peux boucler l'écriture en quelques semaines.
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Les Bretons que j'ai rencontrés et qui se sont montrés enthousiastes. Ce n'est pas si évident pour un Breton et cela m'a touché. Et aussi le fait que Nicoby est un homme de goût : il est conscient de la qualité inégalable de la bonne bière belge. Dans un registre moins réjouissant, l'histoire a failli être adaptée en télé pour France TV, mais ils ont estimé qu'ils avaient trop de scénarios bretons. Moi, je trouve qu'on n'a jamais assez de Bretagne !
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
En BD, je me consacre principalement à mes séries chez Anspach Éditions. Les aventures de Kathleen avec Baudouin Deville, après Sourire 58, Léopoldville 60, Bruxelles 43, Innovation 67 et Berlin 61, paraîtra bientôt Maison du peuple 65. Je poursuis les aventures d'Hendrikus Ansor avec Olivier Wozniak et un one shot sur l'Ommegang et Charles Quint à Bruxelles. Pour Glénat, je travaille sur un roman graphique consacré au bouddhisme, à son histoire et à son actualité.
Le 4 juillet 2024