Interview de Pierre Taranzano, à propos de L'Ailleurs

Découvrez les coulisses de la bande dessinée L'Ailleurs, à paraître aux éditions Inanna, en lisant l'interview de son auteur, Pierre Taranzano.
Comment êtes-vous devenu auteur de bande dessinée ?
J'ai toujours fait de la BD, depuis tout petit. Une étape importante a été de me discipliner pour finir une histoire. Je me suis ensuite fait la main sur des histoires courtes, en noir et blanc ou en couleurs. Et puis j'ai vu pas mal de mes camarades publier un premier album, alors je me suis dit pourquoi pas moi ? Avec deux copains, j'ai développé le projet des Portes de Shamballah et j'ai monté un dossier pour le présenter aux éditeurs. Le processus a été assez long, mais le sujet nous passionnait assez pour le porter sur le long terme. Clair de Lune a fini par le publier, et c'est comme ça que l'aventure a commencé.
Pouvez-nous présenter la bande dessinée L'Ailleurs ?
L’Ailleurs est un récit onirique qui raconte un voyage intérieur, une quête de l’accomplissement, où les états psychologiques et émotionnels sont représentés par des lieux, des décors, des paysages ou des personnages. Le personnage principal, que nous appellerons « le Voyageur », essaie de s’extraire de la pensée rationnelle pour explorer ce qui est au-delà, l’Ailleurs, où l’on trouve aussi bien la sagesse que la folie.
Quand on regarde les planches de L'Ailleurs, on pense notamment à Brazil… Quel a été le point de départ qui a motivé L'Ailleurs, et quelles sont vos inspirations ?
Il peut y avoir quelques similitudes avec Brazil, en effet, surtout dans les parties oniriques du film. Mais cette BD n'est pas inspirée d'une autre œuvre, elle est l'expression d'un ressenti interne, d'une vision du monde et de la réalité. Une vision qui certes a été forgée par des expériences personnelles, mais aussi par des lectures : Philip K. Dick, Jung, Castaneda, Huxley, par exemple. Pour la forme, j'ai été baigné dans l'imaginaire des grands auteurs de SF des années 70-80, Moebius bien sûr, mais aussi Caza, Druillet ou Bilal. Mais plutôt que d'imiter leur style, j'essaie de m'inspirer de leur démarche pour créer mon propre imaginaire.
Combien de tomes sont prévus ? Et à quelle fréquence de publication ? (si tout se passe bien)
J'avais prévu un gros bouquin, mais finalement ce sera deux tomes de 54 planches, plus facile à financer. Je pense qu'il faudra compter au moins deux ans entre les deux.
Avez-vous respecté les étapes traditionnelles de la réalisation d'une BD, à savoir synopsis, scénario, storyboard, crayonné, encrage, ou avez-vous shunté certaines étapes ?
Quand je travaille sur mes propres histoires, je peux me passer d'écrire un scénario très poussé : je note des idées dans les grandes lignes, je fais la plupart du temps un séquencier et j'attaque le storyboard. C'est une manière plus organique et intuitive de construire l'histoire, directement en images. Pour L'Ailleurs, c'est un peu particulier, il n'y a pas une construction très millimétrée comme pour Shamballah. J'avais fait le storyboard du premier chapitre (quinze pages) il y a longtemps, d'une traite, en impro totale. Pour la suite, j'ai rédigé des résumés des chapitres suivants, mais là encore, c'est le storyboard qui sera le plus important, puisque c'est une BD avant tout visuelle.
Comment travaillez-vous le scénario ?
Pour Shamballah, il y a une grande part de recherche documentaire puisqu'on est dans une BD avec une base historique. C'est aussi au départ un travail collectif, où les échanges ont été très importants, surtout au début. Pour L'Ailleurs, c'est différent, j'ai besoin de me mettre dans un état de rêverie. Ce sont des scènes qui s'imposent, des expériences vécues que je transforme en images symboliques. Comme c'est une sorte d'introspection, j'aime bien l'idée que le récit me réserve peut-être des surprises. Dans tous les cas, il y a une part d'intuition, des rêves qu'on intègre au récit, par exemple. Le déplacement est stimulant aussi, que ce soit une balade dans la nature ou un voyage en train. La musique est une source d'inspiration aussi, et là j'ai la chance de collaborer avec Astrocyte, un musicien qui compose en s'inspirant de mon travail. Musique qui va m'inspirer aussi pour créer la suite. C'est un univers partagé, et c'est une expérience vraiment passionnante !
Comment travaillez-vous le dessin ?
Je travaille en traditionnel, à la plume ou au pinceau. Quand je fais de la couleur, il m'arrive d'utiliser le numérique combiné à un travail à la main, un lavis par exemple. Pour cette BD, je fais tout directement sur la feuille de papier, même les bulles et les textes. Je colorise avec des encres de couleurs sur un encrage assez léger.
Quand on réalise un album à l'ancienne, quand réalise-t-on les bulles ? Sont-elles ajoutées après la colorisation ou réalisées avant ? Si elles sont réalisées avant, cela ne pose-t-il pas un soucis pour continuer le mouvement et les nuances de la colorisation pour les encres ?
Dans mon cas, je mets les bulles dès le départ, ce qui m'oblige à les contourner avec le pinceau quand je pose les couleurs. C'est un peu contraignant, mais j'ai vraiment envie, pour cette BD, d'aller au plus simple et de tout poser sur la même feuille, à l'ancienne.
À quel stade êtes-vous de L'Ailleurs ?
Pour l'instant j'ai fait une dizaine de planches.
Quelle est la date prévisionnelle de sortie de L'Ailleurs ?
Je me donne un an pour finir le premier tome, donc une sortie pour l'été prochain.
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Je crois que c'est une sorte de record de temps écoulé entre le découpage et le dessin. J'avais fait le storyboard il y a presque trente ans, à la suite d'un road trip en stop où je m'étais rasé la tête dans une station service. Ne me demandez pas pourquoi ! J'avais plusieurs fois ressorti ce truc des cartons pour le relire, en me disant que j'allais trouver ça nul, mais à chaque fois, il y avait une petite musique dans ces pages que j'aimais bien.
Pourquoi avoir choisi de passer par Ulule pour financer L'Ailleurs au lieu de passer par une maison d'édition traditionnelle qui ferait l'avance des droits d'auteur ?
J'ai proposé le projet à beaucoup de maisons d'édition, qui ont toutes refusé (celles qui ont répondu en tout cas). Les éditions Inanna ont eu la folie d'accepter, mais c'est une petite maison qui n'a pas les moyens de payer beaucoup d'avance sur droits. La campagne est là pour compléter cette avance et financer le temps de création.
Le financement participatif de L'Ailleurs est une réussite puisque l'objectif de 5000 € est largement dépassé et que vous jouez désormais les prolongations. Pouvez-vous nous parler du projet de magazine si le palier des 300 % est atteint ?
Avant que le projet ne soit accepté par Inanna, j'avais envisagé une publication par chapitres, et de là l'idée de réunir des BD d'autres auteurs, histoires courtes ou feuilletons, et aussi des textes, nouvelles ou poèmes, illustrés ou non. Comme j'en ai parlé autour de moi, l'idée a fait son chemin et j'aimerais bien la concrétiser. Mais les 300 % sont loin ! On verra.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
En dehors de L'Ailleurs, il y aura une réédition du premier cycle de Shamballah chez Original Watts avant d'attaquer un deuxième cycle. Je travaille sur de nouvelles couvertures, des planches additionnelles, et je réfléchis au scénario des prochains épisodes. J'ai aussi fait les illustrations d'un livre d'Amandine Lafargue sur la période de la pandémie, dans un style plus cartoon. Bouquin à paraître, on ne sait pas encore chez qui. Il y a d'autres projets en vue, mais pour l'instant ce n'est pas assez concret pour en parler.

Pour suivre l'avancé de l'album, rendez-vous sur la page Facebook de l'auteur.
Le 29 juin 2024