Interview de PoPésie, à propos d'À l'école des Lettres
Découvrez les coulisses de la bande dessinée À l'école des Lettres, parue aux éditions Dargaud, en lisant l'interview de son scénariste, PoPésie.
À l'école des Lettres n'est pas vraiment une BD, ni un roman graphique, c'est un livre utilisant la BD pour intéresser de manière ludique aux grands auteurs français du XIXe siècle. Comment vous est venue cette idée ?
Tout a commencé sur Twitter, en 2019. J'y étais très actif et connu pour parler avec humour de littérature classique. J'avais fait le tweet suivant : « Faut absolument que j’écrive une BD dans la lignée de Titeuf mais avec des auteurs enfants. Hugo, Maupassant, Baudelaire, Zola, Sand, Flaubert : tous dans la même école à vivre des aventures nulles à la piscine, à la cantine et à clasher Napoléon III. » L'idée m'est restée en tête et j'imaginais beaucoup de scènes potaches permettant de mettre en scène les auteurs et d'éclairer leur vie et leur œuvre de manière détournée et ludique. C'est tout naturellement que j'ai proposé cette idée à Clotilde Palluat quand elle m'a demandé d'imaginer une série pour la page Instagram Mâtin, quel journal ! Elle m'a mis en contact avec Maïté Robert qui a su - avec un incroyable talent - donner vie aux versions enfantines de nos célèbres héros. Nous avons ainsi commencé à poster des strips avec un certain succès sur le réseau, et Dargaud a décidé d'en publier quelques-uns cette année dans ce premier tome papier.
L'école des Lettres à la plage, parue dans le Super Mâtin de l'été, était une histoire déjà écrite, ou qui a été réalisée pour le magazine ?
Tous les strips de L'école des Lettres sont systématiquement pré-publiés et en libre accès sur la page Instagram de Mâtin ! Nous avons sélectionné ce strip pour le magazine de l'été car il accompagnait très bien nos pages inédites de jeux littéraires à faire sur la plage (ou ailleurs, vous faites comme vous voulez).
Comment construisez-vous les aventures improbables de nos jeunes écrivains ? Et comment trouvez-vous les idées ?
Les personnalités des personnages reposent sur des éléments biographiques des véritables auteurs : Balzac adore le café, Louise Michel est révoltée, mais aussi sur des références à leurs œuvres. Le petit Maupassant a peur des fantômes, Zola accuse régulièrement la direction, etc. Cela donne des personnages explosifs qu'il est très drôle de voir interagir ; le caractère potache de Rimbaud pouvant ainsi percuter les méditations de Lamartine ou le spleen baudelairien. Beaucoup de gags reposent également sur des anecdotes véritables : la haine de Baudelaire à l'encontre de Sand, le fait que Hugo pratiquait le spiritisme… La plupart des strips permettent ainsi de mettre en avant des anecdotes parfois méconnues, drôles ou décalées sur les auteurs. Le contexte scolaire et enfantin permet aussi d'accentuer ce décalage en plaçant ces figures presque sacrées de la littérature dans un cadre qu'on connaît tous très bien, pour l'avoir pratiqué !
Pour ainsi trouver les traits de chaque personnage et les anecdotes, il faut connaitre parfaitement une littérature abondante, nombre de ces auteurs ayant été prolixes. D'où vous viennent cette passion et cette connaissance des auteurs du XIXe siècle ?
Comme beaucoup, j'ai découvert la littérature classique, et notamment celle du XIXe siècle, au collège puis au lycée. Je me suis vite passionné pour Victor Hugo, sa vie et son œuvre. Après le bac, j'ai fait des études littéraires durant six années, m'intéressant toujours aussi bien aux textes qu'à leur contexte de création. En explorant par exemple les notes personnelles de Victor Hugo, je me suis aperçu qu'il connaissait bien Balzac, Dumas et beaucoup d'autres. Cela m'a donné une conscience vive, que je n'avais pas eue à l'école, du véritable réseau social littéraire français de l'époque ; réseau qui est au cœur de notre BD, motivant souvent les relations entre les personnages. Je prends toujours beaucoup de plaisir à explorer les biographies, les journaux, les correspondances des auteurs du XIXe siècle, sources souvent méconnues d'anecdotes incroyables éclairant d'un jour nouveau, souvent drôle et décalé, ces auteurs et autrices qui nous ont parfois bien ennuyés en classe ! Aujourd'hui encore, je tombe régulièrement sur des épisodes qui me font beaucoup rire : Sand envoyant des fromages qui puent à Delphine de Girardin, Musset rencontrant Stendhal bourré dans une auberge ou encore Flaubert insultant à peu près tout le monde dans ses lettres. Ces petites pépites me donnent toujours mille idées de gags et de strips, car l'immaturité de certains grands auteurs aurait toute sa place dans la cour de notre petite école !
À l'académie des Lettres, classe XIX aura-t-elle un ou des tomes ultérieurs, et L'académie des Lettres va-t-elle s'enrichir d'autres classes, comme par exemple la classe XVII ou XVIII ?
Nous adorerions que ce premier tome ait suffisamment de succès pour lancer une série. Nous n'avons pas encore tout dit, loin de là, sur les auteurs du XIXe siècle. Beaucoup de gens réclament déjà de voir un peu plus Dumas, Stendhal, Rostand… ce que nous aimerions beaucoup également. On aperçoit rapidement quelques élèves de la classe XX à la fin du premier tome, et en avons également déjà croisé, d'autres classes, dans les strips publiés sur la page Instagram de Mâtin : Voltaire, Rousseau, Molière, Racine… On adorerait pouvoir passer encore plus de temps à la découverte de cet immense collège, ainsi que des écoles du monde entier. D'ailleurs, les élèves de la classe XIX de l'école des Lettres vont bientôt aller rencontrer leurs correspondants anglais ! À suivre sur la page de Mâtin. L'Académie des Lettres ouvre un champ de possibles énorme que nous espérons avoir la chance, et le temps, de pouvoir encore explorer !
Avez-vous une anecdote autour de À l'école des lettres ?
Pour l'anecdote sur À l'école des lettres, beaucoup de détails sont cachés un peu partout pour les lecteurs les plus attentifs et connaisseurs ! Par exemple, Victor Hugo et Emile Zola sont colocataires (car ils le sont actuellement au Panthéon) mais la chambre fourmille de petits détails : le numéro 93 (en référence au roman de Hugo), les dessins de vélo (passion de Zola), d'un drapeau italien (origines de Zola), d'un lever de soleil (en référence au journal L'Aurore), un dessin de Manet (qui était très ami avec Emile). L'idée est de parler à la fois aux néophytes et aux experts et j'aime beaucoup cacher de petites références dans ce genre pour les yeux les plus aguerris !
Quels sont vos projets actuels et futurs ?
Pour le moment, nous continuons À l'école des lettres sur Instagram avec Maïté ! Je travaille également de mon côté sur un livre de jeux basé sur la littérature et qui devrait sortir sous peu chez First, ainsi que sur une bande dessinée qui devrait prendre place dans l'univers de Jean de La Fontaine.J'aimerais aussi me lancer rapidement dans l'écriture d'un roman, mais c'est toujours le temps qui manque !
Le 12 septembre 2023