Interview de Sandrine Martin, à propos de Émotive : Voyages à bord du vaisseau mental

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Émotive : Voyages à bord du vaisseau mental, parue aux éditions Casterman, en lisant l'interview de son autrice, Sandrine Martin.
Comment est née l'idée de Émotive : Voyages à bord du vaisseau mental ?
Ce livre est né de mes interrogations personnelles et de mes découvertes dans le domaine des émotions. J'ai expérimenté plusieurs approches pour mieux me comprendre et mieux vivre mes émotions. Je me suis intéressée à la psychanalyse, aux neurosciences, à la communication non-violente, à la gestion mentale (qui est l'étude des gestes mentaux que l'on effectue pour apprendre et mémoriser), aux thérapies cognitivo-comportementales et au coaching. Je trouve que ces différentes approches ne sont pas opposées, et pour moi, elles se complètent. Le livre est né de la vision que j'avais envie de partager, de l'idée que l'on peut être actrice et acteur de sa vie émotionnelle. J'avais aussi envie de mettre en scène ces explorations en bande dessinée. C'est très amusant de dessiner un espace matériel, où le personnage principal peut se déplacer, découvrir un paysage, entreposer des objets… Alors qu'il s'agit en fait d'un espace abstrait et conceptuel, son univers mental. Émotive se trouve ainsi en filiation avec L'Œil lumineux et autres histoires, un livre où les héroïnes parcouraient déjà des espaces conceptuels, ceux du rêve, de la création, des souvenirs, du lien amoureux…
Émotive se place entre la fiction et le livre de développement personnel. Vous utilisez le principe de l'histoire dans l'histoire pour vulgariser la thérapie cognitive et la thérapie émotionnelle. Pour quel public avez-vous créé cette histoire ?
J'avais envie de partager mes expériences et découvertes avec le plus grand nombre. Le personnage principal d'Émotive, Alice, est une femme d'aujourd'hui et a un quotidien dans lequel beaucoup peuvent se retrouver : elle a une vie de couple, une fille, un travail. Et pourtant, elle vit des moments de détresse ou d'émotions intenses. Je voulais parler de cette banalité du quotidien, qui n'est pas si anodine. On peut avoir “tout” réussi, cocher les cases attendues d'une vie humaine, et se sentir encore débordé, abattu, confus. J'avais envie d'interroger et d'explorer ce paradoxe.
Vous êtes autrice illustratrice et non thérapeute, comment ce livre a-t-il été accueilli par les thérapeutes, qui souvent voient d'un œil critique tout ce qui n'est pas écrit par leurs pairs, surtout quand il s'agit de vulgarisation ?
J'ai seulement eu des retours spontanés positifs de thérapeutes, mais je pense que là n'est pas la question. Je ne me positionne pas du tout en tant que coach ou thérapeute, je décris mon expérience personnelle. Je suis une aventurière de mes émotions et mon domaine d'expertise est la bande dessinée.
Plus l'ouvrage est gros, plus les auteurs tendent à shunter certaines étapes. Avez-vous réalisé un scénario, puis un storyboard des 220 planches, ou êtes-vous allé directement sur le dessin après le scénario ?
J'ai réalisé un scénario, un storyboard et le dessin des planches. Mais je ne pense pas que les autrices et auteurs qui dessinent directement après avoir écrit un scénario éliminent une étape indispensable du processus. Il y a mille manières de travailler.
Comment travaillez-vous le dessin et la couleur, on a l'impression de voir des dessins aux crayons de couleurs ?
Oui, je travaille d'abord à la tablette graphique pour les brouillons, puis je réalise les dessins définitifs aux crayons de couleur sur du papier A4.
Avez-vous utilisé une gamme chromatique reliée aux émotions dans ce livre, en fonction des passages et de l'intention que vous y mettiez ?
J'ai cherché plutôt à explorer des formes qui pourraient traduire les émotions, ou bien des paysages émotionnels. Il y a de multiples métaphores dans le livre pour traduire les idées développées.
Combien de temps vous a demandé la réalisation d'Émotive, entre la lecture des ressources et la réalisation des 220 planches ?
Environ deux ans, je dirais, et je travaille aussi à la réalisation de commandes d'illustrations.
Avez-vous une anecdote relative à ce livre ?
Je n'ai pas particulièrement dessiné Alice pour qu'elle me ressemble, mais elle m'est devenue de plus en plus proche au fur et à mesure du projet. J'ai dû me rendre à l'évidence : nous avons beaucoup de points communs.
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
J'ai commencé un livre de dessins en couleurs, dans la suite de La Montagne de sucre, qui paraîtra chez Misma. Je travaille également sur une histoire en bandes dessinées qui aura pour univers le Paris de l'occupation.
Le 6 mars 2024