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Interview de Stéphane Sénégas, à propos d'Épouvantail

Couverture de la BD Épouvantail

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Épouvantail, parue aux éditions Dargaud, en lisant l'interview de son dessinateur, Stéphane Sénégas.

Comment êtes-vous devenu dessinateur ?

Un parcours assez classique, avec une bdthèque familiale, mais aussi beaucoup de cassettes vidéos, et des facilités dans le dessin. La petite particularité, c'est que j'ai arrêté de dessiner pendant toute mon adolescence pour reprendre en terminale.

Comment avez-vous rencontré Philippe Pelaez, le scénariste, et comment avez-vous travaillé ensemble ?

Philippe me contacte alors qu'il est en métropole (il vivait à cette époque à la Réunion), il était venu voir sa maman qui habite dans un petit village du Tarn qui s'appelle Saïx, le lieu de l'une de ses BD, Dans mon village on mangeait des chats. Ce qui est fou, c'est que c'est aussi le village de mon enfance ! Mes parents y tenaient un restaurant. Et pourtant, on ne s'est jamais rencontrés étant jeunes. Il faut dire qu'il est vraiment beaucoup, beaucoup plus vieux. Puis Philippe me propose un scénario étonnant, mais qui ne me correspond pas. Il me demande alors si j'ai des projets, je lui parle donc de quelques-unes de mes histoires, et là je découvre une personne complètement habitée qui s'engouffre dans mon récit, et dont je sens une envie débordante de continuer cette aventure. Il me dit : « Ça me parle, ça me parle ! » Je le trouve à la fois fou et fascinant et j'adore l'envie qui déborde de lui. Quelques jours après, j'avais déjà une bonne partie du scénario…

Le parti pris de réaliser un album en noir et blanc était fixé par Philippe Pelaez ou Dargaud ou est-ce votre choix ? Pourquoi ne pas avoir opté pour la quadrichromie ?

C'est un choix personnel. Je l'ai rapidement imaginé en noir et blanc. Peut-être pour forcer le côté adulte du récit, peut-être pour la dualité, peut-être pour l'ésotérisme, peut-être un peu pour tout ça. Dans tous les cas, je suis très content de ce parti pris pour lequel Dargaud m'a suivi avec enthousiasme.

Comment avez-vous travaillé ?

Depuis quelques années, je réalise tous mes albums à la palette graphique via Photoshop. Par contre, j'ai besoin, une fois l'album terminé, de réaliser des originaux en grand format et à l'encre de Chine (A3 et format raisin) pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cela me permet une transition en douceur, car ce n'est pas évident de vivre tous les jours avec des personnages pendant un an, puis de tout laisser du jour au lendemain. Puis j'adore le papier, l'encre, la matière, le bruit… alors je décide de sélectionner quelques cases qui ont une particularité pour moi, pour ensuite aller plus loin dans la virtuosité, pour la réalisercomme je le souhaite, sans subir la pression du temps. Réaliser un album, raconter une histoire, ce n'est pas la même chose que de réaliser de belles illustrations. Puis, évidemment, cela permet de faire quelques expositions, ce qui est toujours agréable.

Nous ne sommes pas dans une histoire pour enfants et pourtant le dessin de Lily est très enfantin, plein de douceur, tout comme la chèvre, alors que les autres personnages et l'épouvantail sont à l'opposé. Comment s'est mis en place l'équilibre du charadesign et les choix pour chaque personnage ?

Il est certain que j'ai une étiquette jeunesse avec une quarantaine d'albums, mais je ne pense pas que cela soit la cause. C'est un peu comme dans ma BD Lucien : j'aime les contrastes, j'aime ces dualités qui ne nous laissent pas indifférents, qui forcent le trait jusqu'à choquer parfois. Le character design vient assez naturellement, je ne lis pas l'histoire, je la vis. D'ailleurs, ma lecture du scénario est attentive mais pas répétitive, j'en garde un parfum puis je dessine en redécouvrant l'histoire, je ne sais plus précisément ce qui va se passer, je suis comme un acteur qui découvre une scène, et ça, c'est génial.

Le dossier de presse parle évidemment de Tim Burton, on pourrait aussi évoquer par facilité Le Magicien d'Oz… Comment fait-on justement pour éviter de tomber dans de telles comparaisons et de s'approprier graphiquement un thème qui est très marqué ?

Franchement, je ne me suis pas du tout posé la question.

Combien de temps vous a demandé le dessin de l'album ?

Il me semble qu'il doit y avoir 14 ou 15 mois de dessin.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je travaille sur un roman graphique qui va s'appeler Abrakadabra et qui va se passer à Prague dans les années 30, avec Octavius, le plus grand magicien du monde. Mais céleste surtout l'histoire d'un père qui n'a pas assez de temps à consacrer à son fils. C'est aussi avec Philippe Pelaez et toujours chez Dargaud.

Le 16 mai 2025