Interview de Xavier Coste, à propos de Il déserte : Georges ou la vie sauvage

Découvrez les coulisses de la bande dessinée Il déserte : Georges ou la vie sauvage, parue aux éditions Dargaud, en lisant l'interview de son auteur, Xavier Coste.
En juillet 2024 sortait aux éditions Sarbacane Journal de 1985 1. Il déserte représente un virage à 180° puisque vous offrez ici un album lumineux. N'est-ce pas difficile après deux albums très sombres de faire ainsi le grand écart ?
Ce projet, Il déserte, tombait justement à point nommé. Après avoir terminé Journal de 1985, j'avais justement l'impression d'avoir fait le tour de la noirceur et je voulais m'atteler à un projet plus lumineux. Je cherchais justement des idées autour du thème de la robinsonnade quand cette proposition est apparue ! En tant qu'auteur, j'ai toujours la crainte de me répéter et j'aime bien justement emprunter des virages que l'on ne m'aurait pas forcément vu prendre.
Comment s'est déroulé le projet d'Il déserte ?
Le projet s'est fait très naturellement. Antoine portait cette histoire en lui depuis un moment et je pense que c'était tout simplement le bon moment. La découverte il y a quelques années du journal intime que son père a tenu sur l'île a été le véritable déclencheur. Il était écrit dans une écriture patte de mouches et Dargaud l'a fait intégralement retranscrire, ce qui nous a permis de vraiment nous plonger dedans !
Comment avez-vous travaillé le scénario ? L'avez-vous travaillé seul ou s'est-il fait en navette avec Antoine de Caunes ? Les textes d'Antoine de Caunes ont-ils été remaniés pour la BD ou a-t-il écrit en fonction du format BD ?
Tout au long de la conception du livre, ça a été un véritable ping-pong entre nous deux. Nous avancions sans véritable plan, et j'ai aimé cette énergie un peu étonnante. J'ai commencé très vite à dessiner des planches, à faire des crayonnés, après des discussions avec Antoine. Cela nous a permis de voir quel style on voulait, quel ton donner au livre. Une fois que les choses étaient en place graphiquement, Antoine s'est plongé dans les archives de son père et s'est mis à beaucoup écrire et à noter des idées. J'avançais également de mon côté sur du texte avec le journal intime et les chroniques radios de son père à disposition. Nous avons mis tout cela en commun et cela a fini par donner une trame au livre, ce qui n'était pas simple au départ devant la profusion de documentation dont nous disposons. Il y avait tellement de choses intéressantes à raconter, mais des coupes étaient nécessaires.
Il déserte offre justement un découpage très intéressant, que ce soit au sein des planches ou du récit entier. Comment avez-vous décidé de ce découpage affranchi du traditionnel gaufrier qui contribue à la poésie de l'ensemble ?
Avec ce sujet, cette histoire, j'avais envie qu'un vent de liberté souffle sur ce livre. Je voulais un dessin jeté, en mouvement, parfois esquissé pour donner par moment une impression de carnet de voyage. Cela me permettait aussi de donner du rythme au livre, car si l'on résume ce livre d'une certaine manière, c'est l'histoire d'un homme qui revit la même journée tous les jours, une journée solitaire et difficile. Il fallait que la mise en page apporte une dimension au récit.
On trouve la présence de trame sur cet album, tendant à montrer l'emprunte du numérique. Comment avez-vous travaillé le dessin et la mise en couleur ?
L'album a été réalisé entièrement en numérique. À chaque fois que je commence un livre, j'essaie d'expérimenter de nouvelles techniques, de nouvelles façons de faire. Ici, j'ai voulu tester les possibilités du logiciel Procreate, disponible sur iPad. J'y ai trouvé une manière très libre de dessiner et surtout de jeter les couleurs comme elles me venaient, avec une technique s'approchant régulièrement de l'aquarelle. Je voulais que ce livre soit très coloré. Et l'avantage de cette technique est que l'on était assurés du rendu des couleurs à l'impression.
Combien de temps vous a demandé, au total, l'album, qui comporte près de 200 planches ?
L'album a été réalisé en 6 mois seulement, je pensais passer plus de temps, mais nous étions vraiment portés par une énergie sincère, une soif de faire et de créer. Cela a été court mais très intense, c'était vraiment une belle expérience !
Avez-vous une anecdote relative à cet album ?
Que je n'aurais jamais cru un jour dédicacer et faire envoyer un de mes albums à Bruce Springsteen !
Sur quoi travaillez-vous actuellement et quels sont vos projets ?
Pas mal de choses sont sur le feu, et ça fait plaisir. Un film d'animation d'après mon adaptation de 1984 est en cours, et je travaille en tant que directeur artistique sur un autre film d'animation, Kigali Night. Côté bande dessinée, je suis sur un projet de livre chez Rue de Sèvres pour le Louvre. Il sortira en 2026.
1 Interview de Xavier Coste, à propos de Journal de 1985
Le 13 mars 2025